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Channel: Musical – Angle[s] de Vue
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“Les Marais criminels” d’Alexandre Messina

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Quand on voit beaucoup de films – et c’est évidemment notre cas à Angle[s] de vue – notre regard sur les films change forcément, se fait plus exigeant et plus critique.
Du coup, vous l’aurez sans doute remarqué, nous sommes beaucoup moins tendres vis-à-vis des œuvres formatées pour plaire au plus grand nombre, édulcorées et prémâchées pour éviter que le spectateur lambda ne bousille ses précieux neurones.
Qu’ils sont peu excitants, ces films standardisés, conçus à partir de recettes éculées – scripts ultra-prévisibles, personnages stéréotypés et narration linéaire !

On serait presque blasés de voir des films si, de temps en temps, on n’arrivait à sortir du lot une petite merveille se distinguant par ses qualités artistiques ou son ton unique… Et puis, il arrive aussi que l’on tombe sur des œuvres totalement hors normes, des objets filmiques non-identifiés qui s’affranchissent des conventions narratives, défient les tentatives de classement dans un genre donné, surprennent par leur originalité et proposent un autre style de cinéma.

C’est le cas du second long-métrage d’Alexandre Messina, Les Marais criminels. Une œuvre étrange, déroutante, parfois agaçante, parfois attachante, qui surprend de bout en bout.

Les Marais criminels - 8

L’intrigue ? Difficile à résumer… Et pour cause : le film s’est construit autour d’un scénario minimaliste, juste porté par une idée directrice, laissant les comédiens libres d’improviser sur de nombreuses scènes…
Il s’ouvre sur un générique envoûtant, sensuel, fait de flous, de volutes de fumée, de poussières lumineuses, de regards et une chanson aux accents latino. Nous sommes dans un bar à striptease de Pigalle.
Axelle, une jeune femme paumée, vient postuler pour un emploi de serveuse et rencontre le patron du bar. Un grand type du genre mafieux vient les interrompre, visiblement pas content. Puis Juillette, une des danseuses du bar, débarque elle aussi pour avoir une discussion avec le patron. Vu que le pauvre homme ne peut pas être disponible pour tout le monde en même temps, le ton monte, la situation dégénère. Un coup de feu. Un mort. Un blessé. Un flingue et des liasses de billets sur la table. Paniquées, Axelle et Juillette s’en emparent et prennent la fuite à bord d’une voiture volée.

Là, on pense qu’on s’achemine tout droit vers une cavale façon, au choix, Baise-moi ou Thelma & Louise. Sauf que non, pas vraiment.
Ici, pas de plongée dans un univers urbain glauque et violent, mais une partie de campagne verdoyante et lumineuse au cœur de la Vendée et des marais poitevins. Pas de grandes routes en ligne droite comme aux Etats-Unis, pas de sentiers battus mais des chemins de traverse sinueux.
On ne sait jamais où Alexandre Messina veut nous conduire. On oscille entre plusieurs genres – road-movie, thriller, chronique familiale, et même comédie musicale. On bascule en un clin d’œil du drame à la comédie, du réalisme cru à l’étrangeté onirique. Le film procède par ellipses, éludant soigneusement tout ce qui pourrait apparenter le film à un thriller, mais prend en revanche le temps de s’attarder sur des petits détails, des petits riens : un repas de famille qui tourne court, où ressortent de vieilles rancoeurs, une discussion sur les tics de langage, une rencontre avec un jeune violoniste dragueur, une autre avec un brocanteur amateur d’opéra, l’hospitalité d’un vieux paysan isolé dans les marais et un chassé-croisé amoureux autour d’un mariage…
Fil directeur de ce récit : le désir d’émancipation et de liberté.

Les Marais criminels - 2

Même si on n’apprend que peu de choses sur le passé des deux jeunes femmes, on devine qu’à un moment donné, elles ont brusquement coupé les ponts avec leurs familles pour pouvoir voler de leurs propres ailes, même si le résultat n’a pas forcément été à la hauteur de leur espérances. Juillette rêvait de devenir danseuse étoile, probablement contre l’avis de ses proches. Elle est devenue stripteaseuse. Pas tout à fait la même chose…Mais malgré le métier adulte qu’elle exerce, elle n’a pas renoncé à ses rêves d’enfant et espère encore pouvoir se faire admettre au conservatoire.
Axelle, est plus mature. Elle a déjà vécu pas mal de galères. Son habileté à voler des voitures en dit long sur son parcours. Elle a probablement fui sa région d’origine et les marais à cause d’erreurs de jeunesse. Elle aimerait bien s’y réinstaller définitivement, au cœur de cette nature revigorante qui lui donne l’impression que tout est plus simple. Mais sur place, Axelle retrouve aussi des hommes qu’elle a fréquenté jadis, et ceux-ci brûlent encore de désir pour elle, ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes…
Tout au long du film, les deux personnages sont confrontés à des choix déterminants, qui pourraient infléchir le cours de leurs vies, mais ils restent dans cette logique de fuite en avant, grisés par les sensations procurées par cette échappée-belle…
Oui, un véritable vent de fraîcheur souffle en permanence sur le récit.

Ce sentiment de liberté se ressent aussi dans le processus d’élaboration du film. Déjà, dans la méthode de jeu adoptée par Messina et ses actrices, reposant beaucoup sur l’improvisation. Le cheminement du récit a été étudié très en amont du tournage, et certaines amorces de dialogues ont été écrites, mais le gros du travail repose sur la spontanéité d’Ophélie Bazillou et Céline Espérin, les deux jeunes comédiennes du film, épatantes, leur faculté à proposer des choses, à faire évoluer leurs personnages et aussi leur investissement total dans le projet, où elles n’hésitent pas à se mettre en danger – obligation de chanter pour l’une, de se mettre à nu pour l’autre…

Les Marais criminels - 4

On ressent aussi la liberté dans la façon de filmer d’Alexandre Messina, caméra à l’épaule, suivant au plus près ses comédiennes, prêt à traquer les émotions sur leurs visage, à capter des petits moments de grâce. Une vraie démarche de cinéaste.
Et puis, il y a la construction du film elle-même. Ses choix de montage étranges, qui surprennent et déroutent constamment même le plus blasé des spectateurs. Et, bien évidemment, cette approche originale qui consiste à s’affranchir du scénario, le cinéaste se déclarant « contre l’omnipuissance du scénario qu’on institue un peu partout ».
Nous avons un peu retrouvé l’esprit des premiers films de Jean-Luc Godard dans cette volonté de contourner les règles de narration établies. On pense beaucoup à la cavale de Pierrot le fou, de par le ton adopté, mi-réaliste, mi-poétique, le rythme imprimé au récit, assez nonchalant, aérien, et l’irruption de la chanson de manière inattendue. La comparaison paraîtra sans doute audacieuse à certains, et même un peu écrasante pour le jeune cinéaste.

D’autant que son film n’est pas exempt de défauts.
Principal problème : le côté un peu « amateur » de la réalisation.
Même si le budget était restreint et si le choix de tourner caméra à l’épaule est un parti-pris de mise en scène cohérent, on aurait quand même aimé un peu plus de rigueur dans la mise en images. Esthétiquement, le film souffre un peu des images tremblantes et des cadrages approximatifs, alors que de beaux mouvements de caméra auraient probablement mieux collé à la belle photo de Nicolas Connan, également coauteur du « script ».

Second défaut, le jeu des comédiens est inégal. Les deux actrices principales, on l’a dit, livrent une performance tout à fait honorable, tout comme certains des acteurs expérimentés engagés par Messina, tels que Laurent Grévill ou Frédéric Laloue. Mais la plupart des autres membres du casting sont nettement moins convaincants, et comme ils n’ont que peu de scènes à défendre, cela se voit…
Enfin, le décalage de ton et le montage elliptique sont assez gênants pour appréhender la relation qui se noue entre Axelle et Juillette. Pourquoi la première décide-t-elle de fuir avec la seconde ? Comment expliquer la légèreté de leurs échanges, leur complicité presque immédiate ? La progression de leurs rapports est assez étrange et semble parfois perturber le jeu des actrices, ou du moins, la perception que le spectateur en a.
Il aurait peut-être fallu tisser plus lentement les liens amicaux, voire quasi-saphiques, entre les deux femmes pour que la confrontation des caractères soit efficace.
A moins que…

Les Marais criminels - 3

Ces étrangetés peuvent pleinement se justifier si l’on aborde le film sous un angle différent, s’abandonnant plus franchement au côté onirique de la chose. Car de l’onirisme à la psychanalyse, il n’y a qu’un pas…
Et si, au lieu d’un parcours physique, d’une fuite bien réelle, le film n’était qu’une fugue mentale, le songe d’un personnage ? Un peu comme dans les films de David Lynch…
Cela pourrait expliquer le côté absurde du récit, les personnages étranges, notamment celui du truand vindicatif, à l’allure méphistophélique. Ainsi que le rêve étrange d’Axelle, vers la fin du film, où il est question de « tuer le père » et cette fin particulièrement bizarre, sujette à bien des conjectures.
Et si les deux jeunes femmes, comme dans Mulholland drive, n’étaient que la projection d’un seul et même personnage ? On pourrait alors voir le film comme le portrait psychanalytique, par touches successives d’une jeune provinciale qui rêvait de devenir artiste – chanteuse ou danseuse – et qui a tout plaqué pour pouvoir satisfaire à ses aspirations. Mais, en rupture avec sa famille, naïve et livrée à elle-même, elle n’a réussi qu’à sombrer dans la délinquance avant d’être contrainte d’accepter, honteuse, cet emploi de stripteaseuse dégradant, soumise au regard lubrique des hommes…
Du coup, elle s’imagine un double, une jeune femme tout aussi paumée qu’elle, complémentaire… Et un scénario criminel qui lui permet d’éliminer ses problèmes, et ceux qui les représentent, de vagabonder dans des limbes ressemblant aux paysages de Vendée. Avant que la réalité, implacable, ne la ramène à son point de départ…
En tout cas, le film joue clairement avec cette idée de confrontation du passé et du présent, du réel et du fantasme, comme, semble-t-il, le premier film du cinéaste, La storia di B (que nous n’avons pas vu, on le précise).

Bon, évidemment, ce ne sont que pures conjonctures de notre part, rien n’indique que le cinéaste ait voulu nous entraîner dans cette dimension-là, pourtant diablement excitante (non ?). Même si certains éléments laissent à supposer que le cinéaste a souhaité laisser au spectateur la liberté (on y revient toujours et encore) d’interpréter le film à sa façon…

Cela dit, Alexandre Messina n’est ni Godard, ni Lynch. Il n’a pas les moyens techniques de rivaliser avec ces deux maîtres du cinéma, et encore moins la prétention. Mais sa démarche artistique est assez similaire. Il propose un autre type de cinéma, loin des produits formatés qui inondent nos écrans, mais pas élitiste-intello pour autant. Plus un cinéma des sensations, impressionniste, un cinéma qui fait l’école buissonnière et s’amuse follement. Un cinéma original, différent, qui fonctionne à l’énergie, à l’envie, aux idées novatrices…

Les Marais criminels - 6

Des qualités que l’on retrouve aussi au niveau de l’équipe de production et de distribution de ces Marais criminels. Car inutile de préciser qu’un film comme cela, sans stars « bankables » (quel vilain mot…), sans scénario complètement écrit et au ton aussi étrange n’a, aujourd’hui, aucune chance de se monter et d’être vu en suivant les filières classiques.
L’œuvre a été autoproduite, par le biais de la structure créée par Messina et Maria Mandarino, Fidélio films. Et la distribution est assurée par Kanibal films, une petite structure qui, faute de moyens et de poids dans le circuit, a elle aussi des idées originales. Elle l’a prouvé en utilisant les réseaux sociaux (Facebook, Twitter,…) et les groupes de discussion cinéphiles pour créer le buzz autour du film et lui permettre de glaner quelques écrans supplémentaires.
Autant d’énergie dépensée à défendre un film indépendant, qui ose s’aventurer hors des sentiers battus, ne peut être que saluée.

Angle[s] de vue
soutient leur démarche et espère que Les Marais criminels pourra être diffusé dans un réseau de salles suffisamment large pour permettre aux cinéphiles de le découvrir.
Certains adoreront, d’autres détesteront. En tout cas, le film d’Alexandre Messina ne laissera pas indifférent ceux qui auront eu la chance de le voir. Il fait partie de ces œuvres atypiques qui parviennent encore à nous surprendre, à nous faire réagir. Une preuve, s’il en était besoin, que le cinéma est un art toujours bien vivant, qui a encore de beaux jours devant lui…

Pour plus d’infos sur le film, ou pour rejoindre les groupes de soutien, vous pouvez aller faire un tour sur :
le site officiel
la page Facebook
la page Twitter

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Les Marais criminelsLes Marais criminels
Les Marais criminels

Réalisateur : Alexandre Messina
Avec : Ophélie Bazillou, Céline Espérin, Laurent Grévill, Oscar Sisto, Frédéric Laloue, Pierre Barouh
Origine : France
Genre : road-movie atypique et psychanalytique
Durée : 1h26
Date de sortie France : 03/03/2010
Note pour ce film : ●●●●○○

contrepoint critique chez : –

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“Nine” de Rob Marshall

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Rome, dans les années 1960…
Guido Contini (Daniel Day-Lewis), réalisateur italien chouchou de la critique et idolâtré par le public, doit débuter à Cinecitta le tournage de son nouveau film, très attendu après quelques échecs cuisants.
Petit problème : alors que décorateurs et costumiers s’activent et le pressent de questions pour savoir ce qu’ils doivent faire, que la vedette annoncée, la plantureuse actrice suédoise Claudia Jenssen (Nicole Kidman), doit débarquer d’un jour à l’autre pour des essais, que les journalistes génèrent le « buzz » autour du film, il n’a pas écrit une seule ligne du scénario ! Rien, le néant, le vide total… Même pas une ébauche de script…
Ses muses s’amusent et ne lui soufflent pas une seule idée valable…

Nine - 4

Sans doute Guido met il trop d’énergie à réécrire sa propre vie, à mentir aux autres et à se mentir à lui-même, pour être encore capable d’inventer des histoires pour le cinéma.
Il faut dire que l’homme aime un peu trop les femmes et se retrouve tiraillé entre une épouse qui commence à se lasser de ses infidélités (Marion Cotillard) et une maîtresse qui aimerait sortir de la clandestinité et vivre leur passion au vu et au su de tout le monde (Penelope Cruz). Sans compter toutes ces tentatrices qui gravitent autour de lui : sa star, sa fidèle assistante (Judi Dench), une journaliste américaine (Kate Hudson),…
En pleine crise conjugale, en pleine tourmente amoureuse, en panne d’inspiration, le cinéaste perd pied peu à peu, d’autant qu’il est également assailli par quelques souvenirs d’enfance déstabilisants…

Nine - 6

Toute ressemblance avec les films italiens des années 1950/1960, et ceux de Federico Fellini en particulier, n’est absolument pas fortuite…
Au contraire Nine est l’adaptation d’une comédie musicale de Broadway qui s’inspirait directement de la trame de Huit et demi, l’un des chefs d’œuvre du maestro italien.
Le scénario reprend les grandes lignes du script original, et notamment le thème principal des affres de la création artistique, l’angoisse de la toile blanche, mais est surtout prétexte à un hommage appuyé à ce qui fut une époque dorée pour le cinéma transalpin.

On ne sera pas étonné de voir Nicole Kidman tourner autour de la fontaine de Trevi, celle-là même dans laquelle Anita Ekberg se baignait en robe du soir, dans la scène la plus fameuse de La Dolce vita, ou de suivre des gamins courir sur une plage ressemblant à celle de I Vitelloni ou de Amarcord, pour aller assister à la danse provocante d’une prostituée tout droit sortie des Nuits de Cabiria ou du bordel de Roma.
Le film baigne dans une ambiance onirique qui rappelle celle de Juliette des esprits et la confrontation d’un Daniel Day-Lewis, en clone de Fellini et de Marcello Mastroianni, avec cette ribambelle de belles n’est pas sans rappeler La Cité des femmes
Les cinéphiles s’amuseront à recenser, au détour de chaque plan, les références aux chefs d’œuvre de Fellini et à d’autres œuvres héritées du néoréalisme italien.

Nine - 5

Evidemment, il se trouvera toujours des rabat-joie pour effectuer la comparaison entre Nine et son illustre modèle. Et là, il est évident que Huit et demi, tournant créatif majeur de la carrière de Federico Fellini, surclasse en tout point ce qui n’est qu’un « simple » divertissement hollywoodien.
Mais il est un peu facile de taper sur Rob Marshall sous prétexte qu’il n’a pas la carrure du génial maestro italien. C’est un peu comme comparer De Palma à Hitchcock ou Reygadas à Dreyer. Les cinéastes ont chacun leur qualités, même quand ils s’inspirent de certains de leurs aînés et leur rendent hommage.
Rob Marshall possède un style et des qualités de mise en scène très différents de Fellini, et d’ailleurs il ne cherche à aucun moment à s’aventurer sur les mêmes territoires que le cinéaste italien.
Son truc à lui, c’est la comédie musicale façon Broadway, le divertissement spectaculaire rythmé à l’image de la première scène du film, belle chorégraphie présentant en un même mouvement les enjeux du film et les différents protagonistes – toutes ces femmes qui ont compté dans la vie de Guido, de la figure imposante de la Mamma à l’épouse dévouée…

Nine - 3

La seule chose qu’on pourrait lui reprocher ici, c’est d’évoluer un cran en dessous de l’excellent Chicago, hommage, lui, aux mise en scène de Bob Fosse, qui atteignait une sorte de perfection rythmique et scénographique.
Ici le film a tendance à s’essouffler un peu après cette belle entrée en matière. Mais à la décharge du cinéaste, le matériau de base – la pièce de Broadway – était moins entraînant, moins divertissant que Chicago.
Les chansons sont moins marquantes. Les numéros musicaux sont moins techniques, plus statiques, privilégiant l’émotion intime au spectaculaire.
Du coup, le film souffre de quelques longueurs ça et là, et manque un peu de panache à des moments-clés.

Mais attention, on ne peut pas dire que l’on s’ennuie et Nine nous propose malgré tout quelques beaux morceaux de bravoure, comme la superbe chorégraphie illustrant la découverte par le jeune Guido de la sensualité féminine – tempête de sable virevoltant autour de déesses aux formes avantageuses, battements de tambourin représentant le bruit des vagues et les battements de cœur du jeune garçon. Franchement émoustillant…
Tout comme les autres numéros musicaux, où chaque actrice se voit offrir sa grande scène, mettant en valeur sa beauté, sa sensualité ou sa sensibilité.
On croise ainsi Judi Dench en meneuse de cabaret français ou Kate Hudson dans un numéro très « chic » et branché façon « Vogue ».
Un chant mélancolique de Nicole Kidman sur le mal-être de l’actrice.
Une berceuse funèbre de Sophia Loren…

Nine - 2

Mais ce sont Marion Cotillard et Penelope Cruz qui ont le plus l’occasion de briller.
La première est touchante en épouse délaissée, effacée derrière le génie bouillonnant de son mari. Sans avoir besoin d’user d’effets de maquillage ou de prothèses, elle évoque immédiatement Giulietta Massina, femme de Fellini et star de ses premiers films, ou Audrey Hepburn, au moment de ses Vacances romaines. Difficile de résister quand elle chante sa douloureuse complainte, les yeux embués de larmes.
La seconde déborde de sensualité torride. Quand elle glisse le long d’un grand rideau de satin rose et qu’elle se livre à de troublantes contorsions sur un sol luisant comme un miroir, l’érotomètre monte sans peine au-delà des normales saisonnières. Caliente !

Nine
n’est peut-être pas le chef d’œuvre attendu, mais on apprécie malgré tout la promenade dans ce Rome de carton-pâte, surtout en aussi charmante compagnie… Elle donne envie de visiter la cité italienne et invite à se replonger dans les œuvres de Fellini. Et si le film de Rob Marshall, par son côté léger et ludique, permettait aux plus jeunes des cinéphiles de découvrir un auteur majeur de l’histoire du cinéma ? Ce serait le plus beaux des hommages…

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Nine Nine
Nine

Réalisateur : Rob Marshall
Avec : Daniel Day-Lewis, Penelope Cruz, Marion Cotillard, Nicole Kidman, Judi Dench, Kate Hudson
Origine : Etats-Unis
Genre : hommage musical façon Broadway à Cinecitta 
Durée : 1h58
Date de sortie France : 03/03/2010

Note pour ce film : ●●●●○○ (et demi…)

contrepoint critique chez : Le Monde
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“Bus Palladium” de Christopher Thompson

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« Tu aimes la nitroglycérIN
C’est au Bus Palladium que ça s’écOUT
Rue Fontaine
Il y a foule
Pour les petits gars de Liverpool »
(1)

Célébré en chanson par Serge Gainsbourg dans « Qui est ‘in  qui est out’ ? », le Bus Palladium (2), est une discothèque parisienne, un lieu mythique des années 1960/1970 qu’ont fréquenté les fameux « petits gars de Liverpool », Les Beatles…
Bus Palladium est aussi le titre d’un film qui raconte l’ascension et la chute, dans les années 1980, d’un groupe de pop appelé « Lust », et les perturbations que cette accession à une célébrité éphémère occasionne sur l’amitié des différents protagonistes, amis d’enfance ou camarades de lycée…

Bus Palladium - 5  

Difficile de faire abstraction, en voyant ce premier long-métrage du comédien et scénariste Christopher Thompson, de certains classiques narrant eux aussi, la marche de jeunes rockers vers le succès. On pense notamment, à Spinal Tap, le documenteur de Rob Reiner, à Gimme Shelter le documentaire des frères Mayles, à That thing you do ! de Tom Hanks, et, bien sûr, aux Commitments d’Alan Parker. Et c’est là tout le problème…
Quitte à voir du « déjà-vu », on aurait souhaité que le niveau soit équivalent aux œuvres précitées. Hélas, ce n’est pas vraiment le cas.

Premier écueil, le choix de s’intéresser à un groupe de rock bien de chez nous… Car oui, les quatre garçons dans le vent dépeints dans le film ne viennent pas de la Perfide Albion, mais de la région parisienne… Et là, sur les bords, au milieu, ça craint un peu…
J’ai bien conscience que je ne vais pas me faire que des amis ici, mais je l’écris quand même : il y a un fossé entre le rock anglo-américain et le rock français, surtout concernant cette période précise qui correspond à la fin de « l’âge d’or ». Pour s’en convaincre, il suffit d’énumérer les groupes anglais des années 1970/1980 (les Stones, les Who, les Clash, Dire Straits, Genesis, Police, etc…) et de chercher leurs équivalents français dans les méandres de ma mémoire… A de rares exceptions, le désert total ou une qualité nettement inférieure…
Autant dire qu’il est moins simple d’adhérer au cheminement de « Lust » qu’à celui des musiciens déjantés du film d’Alan Parker…

Bus Palladium - 8

Cela dit, je n’ai absolument pas la prétention d’être un expert en musique. Donc, faisons abstraction de cette « hérésie » et admettons donc comme crédible cette « success-story » à la française…
Il n’en reste pas moins quelques défauts assez ennuyeux, qui plombent les bonnes intentions du film.

Le jeu des acteurs, par exemple, très inégal…
Marc-André Grondin, la révélation du Premier jour du reste de ta vie, est une fois de plus impeccable dans son rôle de jeune homme rêveur et sensible, tiraillé entre son envie de participer à cette belle aventure collective et celle de voler de ses propres ailes, de se construire un avenir plus « sérieux » que celui du groupe, presque naturellement voué à disparaître…
La belle Elisa Sednaoui campe avec conviction un personnage troublant, au charme provocant et à l’attitude ambiguë, mi-égérie, mi-femme fatale. On comprend aisément que les personnages masculins puissent perdre la tête pour elle…
Au rayon des satisfactions, Abraham Belaga fait également preuve d’une belle présence, avec ses faux-airs du regretté Jocelyn Quivrin et Géraldine Pailhas, blonde façon Debbie Harry pour l’occasion, se révèle assez convaincante en directrice de label à la fois maternelle et autoritaire (3).

Bus Palladium - 3

Le cas Arthur Dupont est plus mitigé. Le jeune acteur est charismatique et communique cette aura à son personnage, véritable attraction du groupe. Tant que « Lust » est en phase ascendante, il est parfaitement dans le ton, et vole même la vedette aux autres puisque son rôle lui donne l’occasion de jouer sur les fêlures de son personnage, en proie à un malaise profond. Mais dès qu’il est sensé passer du côté « obscur », vers la dépression et l’autodestruction, il est nettement moins crédible. Trop lisse et trop sage… Pas assez « rock’n roll »…
A sa décharge, il y avait probablement là une volonté du cinéaste de ne pas insister sur la déchéance du protagoniste.
Les autres acteurs sont soit sous-exploités (Jules Pelissier, un ton en dessous des autres, Karole Rocher et Dominique Reymond, réduites au rang d’utilités…) soit agaçants de par leur sur-jeu (l’imprésario joué par François Civil, horripilant…)

La réalisation est également bancale. Elle n’est pas mauvaise, mais Christopher Thompson manque souvent de l’inspiration qui aurait pu donner à son film un peu d’intensité et de souffle.
Les quelques bonnes idées de mise en scène – comme ces fausses images d’archives, filmées en super 16, captant les rêves et les moments d’insouciance de ces jeunes vivant dans l’instant présent – ne sont pas suffisamment exploitées. Dommage…

Bus Palladium - 7

Mais là où le bât blesse, c’est surtout au niveau de la construction narrative. C’était pourtant le point fort attendu du cinéaste, qui a cosigné plusieurs des scénarios des films de sa mère, Danièle Thompson, dont les dialogues sont si finement ciselés.
Las… Les situations sont convenues. Les dialogues sont peu percutants. Et l’idée d’annoncer dès le départ le décès de Manu, le leader du groupe, tue d’emblée tout le suspense potentiel.
Le but était sans doute, là encore, de ne pas trop s’appesantir sur le destin tragique du personnage, pour se concentrer sur le thème central du film : la nostalgie d’un âge, d’une période éphémère de la vie, l’adolescence, où tout est encore possible, où la passion amoureuse est dévorante comme jamais, tout comme les premières déceptions, amères…
Cet aspect là du script est bien rendu, grâce aux acteurs notamment, mais il se dilue dans tout le reste, nettement moins convaincant.
Même les séquences musicales peinent à nous transporter, en dehors des scènes de concert où l’énergie est communicative et où résonne la musique concoctée pour le film par Yarod Poupaud.

Alors « in » ou « out », le Bus Palladium de Christopher Thompson ?
Ni l’un ni l’autre, juste un film assez moyen que l’on voit sans déplaisir, mais qui manque trop d’intensité, trop de relief,  pour nous permettre d’y adhérer pleinement. Le cinéaste fait encore ses gammes et il y a hélas trop de fausses notes dans sa partition…

(1) : « Qui est ‘in qui est ‘out » paroles & musique : Serge Gainsbourg – album « Initials BB » – label : Mercury
(2) : Le Bus Palladium, 6 rue Fontaine, 75009 Paris – site officiel
: Bus Palladium
(3) : Mes anciens lecteurs du Blog ciné de Boustoune connaissant mon petit faible pour la divine Didine, prendront ce jugement avec les précautions d’usage…

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Bus Palladium Bus Palladium
Bus Palladium

Réalisateur : Christopher Thompson
Avec : Marc-André Grondin, Arthur Dupont, Elisa Sednaoui, Géraldine Pailhas, Abraham Belaga
Origine : France
Genre : Commitments à la française  
Durée : 1h40
Date de sortie France : 17/03/2010

Note pour ce film : ●●●○○○

contrepoint critique chez : There and back again
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“A 5 heures de Paris” de Leonid Prudovsky

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Pour commencer, un coup de gueule…

Il est très légitime de s”inquiéter de l’évolution du conflit israélo-palestinien, qui contribue à déstabiliser un peu plus une zone géographique peu épargnée par les guerres et les tragédies tout au long du XXème siècle.
Il est aussi totalement légitime de s’émouvoir du blocus imposé par Israël autour de la Bande de Gaza et de la brutalité des interventions militaires sur le peuple palestinien ou les civils étrangers charriant de l’aide humanitaire. (1)
Chacun est libre de protester ou de manifester son indignation de différentes façons (manifestations, pétitions, etc…) (2).

Pour autant, il est complètement idiot et injuste de choisir, pour ce faire, de boycotter les films israéliens, comme l’ont décidé les cinémas Utopia (3).
Déjà parce que les artistes du Moyen-Orient œuvrent tous pour la paix entre les peuples, pour le changement des mentalités dans les deux camps rivaux, et que certains cinéastes israéliens ont signé les plus beaux plaidoyers pour la fin de cette guerre absurde et la création d’un état palestinien totalement libre et souverain.
Ensuite parce que cela prive le public de beaux films qui n’ont d’ailleurs pas grand chose à voir avec le conflit israélo-palestinien, ni même avec la politique en général. Comme par exemple, le très beau A 5 heures de Paris, de Leon Prudovsky…

Après le coup de gueule, le coup de cœur…
Coup de cœur pour deux personnages attachants, traînant leur solitude et leur besoin de chaleur humaine dans la banlieue de Tel-Aviv.

A 5 heures de Paris - 7

Il y a Yigal, un chauffeur de taxi d’une quarantaine d’années, divorcé de longue date, qui aimerait bien que sa vie prenne un nouveau départ. On pourrait même dire un nouvel envol, si l’homme n’était pas en proie à une peur panique de l’avion… Mais Yigal tente de se débarrasser de cette phobie gênante en suivant une psychothérapie. Il a envie de pouvoir assister à la bar-mitsvah de son fils, organisée à Paris, en France. Un lieu qui, de surcroît, l’a toujours fait rêver, à travers les films et les vieux tubes des années 1970 qu’il écoute en boucle, d’Adamo à Alain Barrière, en passant par Joe Dassin…

ll y a aussi Lina, la professeure de musique du fils de Yigal. On ne connaît pas son âge, mais elle confessera plus tard ne plus être en mesure d’avoir d’enfants.
Un de ses regrets parmi d’autres, comme le fait d’être passée à côté d’une carrière de pianiste concertiste et, peut-être, celui de s’être mariée avec Grisha, un homme qu’elle ne désire plus, ou alors plus avec la même intensité.
Le couple, venu de Russie pour s’installer en Israël, est aussi en attente d’un nouveau départ. Pour le Canada, plus exactement, où Grisha tente d’obtenir un permis de travail pour y installer son cabinet d’urologie…

A 5 heures de Paris - 2

Quand Yigal rencontre Lina, il tombe instantanément sous son charme et fait tout pour pouvoir grappiller quelques secondes avec elle. Il retarde la belle suffisamment pour qu’elle rate son bus et qu’il se voit “contraint” de la ramener chez elle en voiture… Un stratagème éculé (4) mais qui donne lieu à l’une des plus belles scènes du film : d’abord un peu gênés, Yigal et Lina ne se regardent pas, ne se parlent pas, mais quand l’autoradio diffuse le “Salut” de Joe Dassin, ils se mettent tous deux à siffloter, et la conversation s’amorce autour de la chanson française des années 1970, un de leur centre d’intérêt commun… Et la glace, doucement, se fendille…
Lina, d’abord réticente, se laisse finalement séduire par ce type maladroit, peu assuré, angoissé par tout et n’importe quoi, mais très tendre et attentionné.

Ils deviennent de plus en plus complices au fil des semaines. Mais est-ce suffisant pour permettre à leur potentielle histoire d’amour d’éclore ? Les sentiments ont-ils le temps de s’installer alors que Lina attend une réponse imminente du consulat pour son émigration au Canada ?
Tout l’enjeu et toute la beauté du film se situent là, dans ces moments suspendus, comme en apesanteur, où l’homme et la femme s’échangent des regards qui en disent long sur leur histoire passée, leurs petites fêlures, leurs espoirs secrets, leurs désirs déçus…

A 5 heures de Paris - 8

La scène-clé se situe à peu près à la moitié du long-métrage, quand Yigal, parce qu’il est accompagné de Lina, finit par accepter son baptême de l’air.
C’est bien connu, l’amour donne des ailes… Yigal réussit à survivre au décollage, mais la joie est de courte durée puisque, en proie au vertige (de l’amour?) il s’évanouit au bout de quelques secondes…
Et si c’était cela l’amour : être sur un petit nuage, être pris de vertige, partir en chute libre et finir par se crasher lamentablement? 
La peur du vide et celle du saut dans l’inconnu pèsent sur la relation de ces deux êtres fragiles, freinant leur progression vers un possible “septième ciel”, et il plane sur tout le film de sombres nuages…
  
On est loin, ici, du romantisme mièvre qui pollue la plupart des comédies romantiques hollywoodiennes. En effet, même si le récit séduit par sa légèreté, sa finesse et son pétillement – comme un bon Champagne – il laisse aussi une pointe d’amertume au fond du gosier… On s’attendrait presque à entendre l’ami Jojo nous faire frissonner avec “si tu t’appelles Mélancolie” ou “Chanson triste”…             
Mais Leonid Prudovsky a le bon goût d’utiliser les vieilles chansons avec parcimonie, afin de ne jamais étouffer l’émotion générée par les images et le jeu des acteurs. A la place, on a droit à une belle musique composée par Gavriel Ben-Podeh, quelques notes discrètes mais entêtantes, qui accompagnent à merveille ce premier film touchant de simplicité et de pudeur.
 
A 5 heures de Paris - 5

La mise en scène est constamment en retrait, non par manque d’ambition ou de savoir-faire, mais parce que le sujet l’exigeait.
Le jeune cinéaste laisse à ses comédiens –  épatants – le temps de faire exister leurs personnages, de jouer sur les regards, les gestes, les expressions du visage.
Dror Keren, déjà vu dans Les Méduses, autre réussite majeure du cinéma israélien, incarne brillamment cet homme timide et gauche, écorché par la vie et le regard des autres. Un improbable héros de comédie romantique, plus proche d’un Woody Allen que d’un Grant, Hugh ou Cary, au choix…
Il est sympathique, ce Yigal. Un chic type qui n’a pas eu de chance et qui s’est englué tout seul dans un quotidien assez morne, juste égayé par la naissance de son fils. Sa bataille, sa fierté…
On aimerait qu’il puisse enfin trouver l’amour, le vrai, au côté de la délicieuse Lina…

C’est vrai qu’elle est craquante, cette femme… Et pour cause, c’est la très séduisante Helena Yaralova qui lui prête sa beauté discrète, ses grand yeux pétillants de vie, soulignés de quelques légères cernes, traces d’une vie bien remplie. Bizarrement, hormis Amos Gitaï dans Kedma, peu de cinéastes ont eu la présence d’esprit de l’engager (5). Ceci devrait changer grâce à sa performance ici, toute en finesse et en élégance. Elle est vraiment très bonne actrice, et très jolie, donc… ”Trop jolie”, même, chante Alain Barrière, à qui on n’a rien demandé – non mais… (6). Pfff, ça y est, je suis amoureux, moi…

A 5 heures de Paris - 6

Grâce à ces deux acteurs, et au reste de la troupe, également convaincante, Vladimir Friedman (Grisha) en tête, grâce à sa mise en scène d’une sobriété exemplaire, grâce à sa bande son joliment nostalgique, A cinq heures de Paris s’impose d’ores et déjà comme l’une des belles surprises de cet été cinématographique et contribue à redorer le blason du film romantique, genre galvaudé par des dizaines de productions médiocres. 

Alors, faites fi de toute cette polémique stérile autour du film, tant autour de cette histoire de boycott du cinéma israélien que de l’impératif pour un artiste de porter un regard “politique” sur le monde environnant, et allez découvrir en salles cette jolie comédie douce-amère.
Profitez-en, c’est la fête du cinéma, et c’est l’occasion de voir des oeuvres qui sortent de l’ordinaire, à moindre coût… 
Avaaz.
A noter que l’état hébreux vient d’assouplir son blocus de la bande de Gaza, cédant à la pression internationale… 
(3) : En fait, relativisons un peu les choses. Il ne s’agit pas vraiment d’un boycott puisque le film sera reprogrammé ultérieurement et qu’il est remplacé par un autre film israélien, plus politique et plus critique vis-à-vis du pouvoir en place en Israël.
Les propriétaires des Utopia, qui ne représentent que quelques salles en France, estiment que toute cette affaire fait beaucoup de bruit pour rien.
En effet… Mais ils en sont les seuls responsables ! Pourquoi avoir pris des décisions aussi radicales et polémiques ? Il nous semble que le public fréquentant les salles d’art et d’essai est suffisamment intelligent pour faire la part des choses entre ce qui se passe en Israël et les oeuvres proposées par les artistes israéliens…
De par cette déprogrammation et le débat qu’elle génère, ils prennent le risque que les spectateurs, lassés de cette controverse philosophico-politique, boudent une oeuvre taillée pour séduire un large public, une alternative aux comédies sentimentales américaines formatées…
(4) : non, ce n’est pas une insulte… Vous m’avez pris pour Anelka ou quoi?  
(5) : Peut-être parce qu’elle ne réside en Israël que depuis une quinzaine d’années. Avant, comme son personnage, elle vivait en Ukraine…
(6) : En fait, c’est lui qui ferme le bal avec sa chanson “Elle était si jolie”…

(1) : Le blocus maritime et terrestre de la bande de Gaza a été décidé par les israéliens en représailles contre la victoire du Hamas lors des dernières élections des territoires occupés. Le prétexte ? Les liens présumés du Hamas avec des groupes terroristes de pays voisins pouvant acheminer des armes vers la bande de Gaza… Le 31 mai dernier, une flottille humanitaire internationale a essayé d’acheminer des marchandises pour aider le peuple palestinien coupé du monde, bravant l’interdiction. La marine israélienne a mené un raid violent contre les impudents, pourtant encore dans les eaux internationales. Cette opération musclée plus que discutable a coûté la vie à neuf civils turcs et déclenché de nombreuses protestations dans le monde.
(2) : Par exemple, la pétition de

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A 5 heures de Paris A 5 heures de Paris
Hamesh shaot me ‘Pariz

Réalisateur : Leonid Prudovsky 
Avec : Dror Keren, Helena Yaralova, Vladimir Friedman, Yoram Tolledano, Lena Sahanov
Origine : Israël
Genre : film romantique aérien 
Durée : 1h30
Date de sortie France : 23/06/2010

Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Première
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“Benda Bilili !” de R.Barret & F. de La Tullaye

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Il y a des films musicaux qui donnent la pêche, grâce à des morceaux entraînants qui donnent envie de danser, de chanter, d’exprimer sa joie ou d’évacuer ses soucis…
Il y a aussi des films musicaux, plus rares, qui parviennent à faire battre à l’unisson le rythme des instruments avec celui de nos coeurs, qui font vibrer nos cordes les plus sensibles, qui, de par leurs magnifiques mélopées, s’adressent directement à nos âmes, nous touchent, nous bouleversent, nous font aimer la vie…
Et puis, il y a Benda Bilili ! qui est un peu tout cela, mais aussi et surtout le récit d’une formidable aventure humaine, filmée sur près de cinq ans. Une histoire d’amitié, de courage, de foi et d’espoir…

Benda Bilili! - 4

Tout commence en 2004, quand les documentaristes français Renaud Barret et Florent de La Tullaye  tournent à Kinshasa, en République Démocratique du Congo, un film sur les musiques urbaines et cherchent à rencontrer des musiciens locaux.
Ils rencontrent Ricky, un quinquagénaire animé par un vieux rêve : faire de son groupe, le Staff Benda Bilili, l’un des orchestres les plus connus du Congo.
Instantanément, les cinéastes tombent sous le charme de cet assemblage assez incroyable de musiciens miséreux et/ou handicapés, vieux routards et gamins courageux, qui chantent leur quotidien pas toujours simple, leurs rêves d’ailleurs, leur soif de bonheur en un mélange explosif de musique traditionnelle, de blues, de rock et de rumba !
Ils décident de les aider à produire et à enregistrer leur premier disque, et de filmer au jour le jour la conception et l’enregistrement de cet album qui, pour les membres du groupes, ouvre les portes d’un avenir meilleur…

Benda Bilili! - 7

On suit le groupe dans les rues de Kinshasa, là où il est né, là où il a commencé à jouer sa musique si énergique, puis dans des studios de fortune, comme le vieux zoo de Kinshasa. On découvre des personnalités attachantes, prenant du plaisir à travailler ensemble et décidées à vivre pleinement leur passion de la musique : Leon Likabu, alias “Papa Ricky”, le leader du groupe et Coco Ngambali Yakala, son vieux complice, Junana Tanga Suele, Théo “Coude” Nsituvuidi, Paulin “Cavalier” Kiara Maigi, Cubain Kabeya, Waroma “Santu Papa” Abi-Ngoma, Zadis Mbulu Nzungu et Roger Landu. On voit grandir ce dernier tout au long du film. Le gamin des rues un peu sauvage, “shege” (1) prêt à basculer dans la délinquance, laissant place à une star internationale. Tout ça grâce à une corde unique, celle de son satongé, fabriqué avec du matériel de récup’.
Une chance que n’aura pas, en revanche, le jeune Randi, un percussionniste doué qui a participé à une partie de l’enregistrement de l’album avant de disparaître mystérieusement.
Les deux tiers de ces musiciens sont handicapés, victimes très jeunes de la poliomyélite qui fait encore des ravages dans les quartiers kinois les plus pauvres. Mais pourtant, ils se soucient bien peu de leurs handicaps physiques. Tant qu’ils peuvent jouer leur musique, ils sont heureux ! Et si certaines tâches sont un peu trop ardues, ils peuvent compter sur les quelques membres valides du groupe. Au sein du Staff, la solidarité joue à plein… Une belle leçon de vie !

Benda Bilili! - 6

Le plus marquant, c’est que ces gens ne se plaignent absolument jamais, malgré des conditions de vie difficiles, malgré un environnement où il serait facile de sombrer dans la violence ou de se résigner à vivre jusqu’au bout dans la misère.
Et loin d’eux l’idée d’essayer de mettre en avant leur pseudo-faiblesse pour que le public s’apitoie sur leur sort. Ils ne sont pas des victimes mais des battants, animés par une énergie folle, une foi en un avenir meilleur.

Même quand leur centre d’hébergement se retrouve entièrement brûlé, les contraignant à vivre dans la rue, dans des cartons, ils acceptent leur sort avec beaucoup de dignité, prêt à affronter ces nouvelles épreuves avec courage…
Du rêve à la réalité, le chemin est long et cahotique…

… mais il débouchera finalement sur un triomphe amplement mérité, assurant à ces musiciens un cadre de vie plus confortable, un avenir meilleur pour eux ou leurs enfants.
Après une année d’interruption de tournage, les cinéastes reviennent avec de nouveaux soutiens, qui leur permettent de finaliser l’album (2) et de pouvoir entamer une carrière internationale, de festival en festival, au coeur de la vieille Europe qui fait office de terre promise pour les jeunes africains…
Première rencontre avec le public français : Belfort, en 2009, aux Eurockéennes.
Au début seuls quelques rares curieux viennent assister aux répétitions de cette drôle de troupe d’éclopés congolais, puis, dès que résonnent les riffs des guitares, les chants de Ricky et Coco, les solos de satongés de Roger, le public afflue, vibre, s’enthousiasme – et nous avec ! – et applaudit à tout rompre…
Depuis, Staff Benda Belili a effectué plusieurs tournées européennes et s’attaque aujourd’hui à de nouveaux continents, comme l’Asie… Le film a reçu un accueil chaleureux à Cannes, où il était présenté en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs.
Une vraie success-story qui fait plaisir à voir, qui met du baume au coeur et donne envie d’aller rencontrer ces musiciens fantasques dont les rêves les plus fous ont fini par se réaliser…

Benda Bilili! - 2

Bien sûr, il se trouvera forcément quelques grincheux pour regretter que le documentaire ne s’attarde pas plus sur la misère ambiante, que la réussite d’une poignée n’éclipse le malheur de milliers d’autres…
Certes Renaud Barret et Florent de La Tullaye se concentrent essentiellement sur leurs sujets et l’énergie qu’ils dépensent pour accomplir leurs rêves, mais ils n’éludent pas pour autant les conditions de vie difficiles des miséreux de Kinshasa. On voit l’insalubrité des rues, l’indigence des habitants, les problèmes de vols et de délinquance… Simplement, les cinéastes ont choisi de ne pas verser dans le pathos, tout comme ils ont choisi de privilégier la sobriété – plans simples et commentaire rare –  à un documentaire trop lourdement démonstratif.
Le film dresse le portrait d’une ville, d’un pays, d’une société, par petites touches successives, discrètes mais percutantes. A aucun moment les cinéastes ne cherchent à jouer sur le cliché d’une Afrique ultra-pauvre.
Au contraire, ils veulent montrer des richesses insoupçonnées, culturelles, sociales, humaines, qui pourraient permettre aux africains de se construire un avenir meilleur…
Bien sûr, là encore, la route sera longue et sinueuse. Mais rien n’est impossible, comme le prouve le succès de ce groupe sur qui personne, hormis les deux réalisateurs et eux-mêmes, n’auraient misé un centime de franc CFA…
La population kinoise n’a pas besoin qu’on lui rappelle la rudesse de ses conditions de vie, elle a besoin de rêves, d’exemples à suivre. Et le Staff Benda Bilili est un modèle de réussite fulgurante…

Benda Bilili! - 3

Mais là encore, les cinéastes restent mesurés. Comme ils ont refusé d’étaler la misère ambiante, ils se refusent à verser dans un optimisme béat…
Les membres du Staff Benda Bilili savent d’où ils viennent, savent aussi, comme précisé dans le texte d’une de leurs chansons, que la roue tourne. Aujourd’hui, ils mangent à la table de beaux hôtels européens, mais ils n’oublieront jamais qu’hier, ils mangeaient par terre, dans la poussière des rues de Kinshasa, et que demain, peut-être, ils seront de nouveau en difficulté.
Dignes dans le malheur, ils restent humbles dans le succès. Et toujours aussi généreux et solidaires : L’argent gagné suite au succès de leur premier album et de leurs tournées triomphales servira bien sûr à prémunir du besoin leurs proches restés au pays, mais aussi à créer une structure destinée à aider les musiciens des rues, handicapés ou valides, à s’en sortir…

Oui, Ricky, Coco, Roger et les autres méritent bien ce qui leur arrive aujourd’hui, cette reconnaissance internationale, cette opportunité de vivre enfin de leur art. Ils sont honnêtes et travailleurs, généreux et ouverts aux autres, porteurs des tourments et des espoirs de tout un peuple, de tout un continent.…
De braves gens, tout simplement…
Tout comme les auteurs de ce documentaire au long cours, dont il convient de louer la détermination et l’engagement, qui ont aidé les musiciens a accomplir leur rêve.
Nous vous incitons donc chaudement à aller voir Benda Bilili ! pour découvrir le formidable destin de cette joyeuse troupe, des bas-fonds de Kinshasa aux scènes des plus grands festivals européens…

(1) : “shege” = enfant des rues, en dialecte lingala
(2) : “Très très fort” de Staff Benda Bilili – éd. Crammed

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Benda Bilili! Benda Bilili !
Benda Bilili !

Réalisateurs : Renaud Barret, Florent de La Tullaye
Avec : Leon Likabu, Coco Ngambali Yakala, Junana Tanga Suele, Théo Nsituvuidi, Roger Landu
Origine : France
Genre : formidable success-story
Durée : 1h24
Date de sortie France : 08/09/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Chronicart
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“Les Runaways” de Floria Sigismondi

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Les Runaways - 2

“Come and get it boys
Queens of noise
Not just one of your toys
Queens of noise”
(1)

Les plus jeunes d’entre vous n’ont probablement jamais entendu parler de Joan Jett, chanteuse rock énervée des années 1980 ayant connu un gros succès avec son tube “I love rock’n roll”. Et encore moins de The Runaways, le groupe éphémère qu’elle forma à la fin des années 1970, avec quatre autres filles aussi déjantées qu’elle…

Les Runaways, le film de Floria Sigismondi qui raconte leur ascension, puis leur chute, va réparer cette lacune. Oui, “lacune”, car ce groupe de rock, l’un des premiers à être exclusivement composé de femmes et surtout, l’un des premiers à connaître un succès international, a signé quelques morceaux entraînants et a ouvert la voie au rock américain des années 1980.

Les Runaways - 3

Tout commence avec l’obsession qu’a Joan Jett, alors adolescente un brin rebelle, de devenir rockeuse. Elle ne connaît rien au solfège, ne sait pas vraiment jouer de la guitare, mais qu’importe, elle est pleine d’énergie et a des idées de chansons à revendre. Lorsqu’elle tombe sur Kim Fowley, producteur de disques réputé à Los Angeles, elle lui fait part de  son envie de monter un groupe 100% féminin. Fowley, séduit par le concept, lui présente Sandy West, une batteuse qui a exactement la même ambition. D’emblée, le courant passe entre les deux filles, partageant la même passion et la même conception du rock. Leur pygmalion les aide à monter le groupe, leur offrant la possibilité de répéter dans une vieille caravane et sélectionnant avec elles les autres membres du groupe : Micky Steele, Lita Ford et surtout Cherie Currie, qui va devenir la principale chanteuse du groupe.

Les Runaways - 5

De répétitions musclées en premières scènes houleuses, Les Runaways arrivent à imposer leur style dans un milieu traditionnellement masculin, pour ne pas dire macho. Et finalement signent avec un grand label, s’ouvrant ainsi les portes d’un succès planétaire et notamment une tournée d’anthologie au Japon en 1977.
Mais la vie de stars du rock n’est pas toujours de tout repos et, fatigue, drogues et alcool aidant, des dissensions vont se faire jour au sein du groupe, qui finira par se séparer définitivement en 1979…
Toutes poursuivront leur carrière séparément, avec plus ou moins de bonheur, mais seule Joan Jett connaîtra un vrai succès en solo.

Les Runaways - 4

Cependant, curieusement, Joan Jett n’est pas le personnage central du film, le récit s’axant autour de Cherie Currie.
Peut-être parce que, comme le fait remarquer une des amies de Joan, “dans un groupe, les gens se rappellent toujours de la chanteuse”…
Ou, plus probablement, parce que le film de Floria Sigismondi s’inspire du livre de mémoires écrit par l’ex-star des Runaways (2).
Ou enfin, parce que, dans ce rôle, Dakota Fanning crève l’écran.
Loin de nous l’idée de dénigrer les performances des autres actrices du film, plutôt convaincantes, à commencer par Kristen Stewart, qui rappelle ici qu’elle a le talent pour jouer autre chose que des ados tourmentées dans des films de vampires cucul-la-praline, Alia Shawkat (révélée par Amerrika) ou Scout Taylor-Compton (l’héroïne des deux Halloween de Rob Zombie).
Mais c’est bien Dakota Fanning qui attire tous les regards. Non seulement elle fait preuve d’une incroyable présence à l’écran, irradiant de sensualité, mais elle joue juste de bout en bout, y compris quand son personnage devient une caricature de rock-star pervertie par l’alcool et les drogues en tout genre.
Il suffit de la voir, vêtue d’une guêpière blanche affriolante, se déhancher lascivement sur scène et chanter avec ses tripes le très entraînant “Cherry bomb” pour avoir illico envie de (re)découvrir l’intégralité des albums des Runaways.

Les Runaways - 6

Alors tant pis si la réalisation de Floria Sigismondi se fait un peu trop platement illustrative. Tant pis si cette histoire du groupe se termine de façon un peu abrupte après le départ de la chanteuse, avec un montage des plus elliptiques qui semble faire fi de toute chronologie… Les Runaways est un film sympathique qui carbure à l’énergie. Celle de la musique de ce quintette de demoiselles hyperactives, celle des jeunes actrices du film, celle de Michael Shannon, qui incarne avec un plaisir non-dissimulé le charismatique Kim Fowley, balançant au passage quelques répliques délicieusement vachardes.
Celle du rock’n roll, tout simplement…

Hello daddy, hello mom
Im your ch- ch- ch- ch- ch- cherry bomb !
Hello world Im your wiiiiild girl
Im your ch- ch- ch- ch- ch- cherry bomb !”
(3)

(1) : paroles issues de “Queens of noise” (Billy Bizeau) dans l’album éponyme des Runaways (1977, Mercury)
(2) : “Neon Angel, memoir of a runaway” de Cherie Currie – ed. Harper Collins (pas de traduction française, apparemment)
(3) : paroles issues de “Cherry bomb” (Joan Jett, Kim Fowley) dans l’album “The Runaways” des… Runaways (1976, Mercury)

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Les Runaways Les Runaways
The Runaways

Réalisatrice : Floria Sigismondi
Avec : Dakota Fanning, Kristen Stewart, Scout Taylor-Compton, Michael Shannon, Alia Shawkat, Riley Keough
Origine : Etats-Unis
Genre : sex, drugs & rock’n roll
Durée : 1h46
Date de sortie France : 15/09/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Critikat
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“StreetDance 3D” de Max Giwa & Dania Pasquini

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Vu le planning des sorties en salles, il y a des films sur lesquels on fait l’impasse.
Du coup, on prend le risque de passer à côté de petites pépites, et on est alors bien content de pouvoir les rattraper en DVD…
Ce fût le cas pour Breathless, récemment… 
Mais ça ne fonctionne pas à tous les coups, hélas… Tenez, on était passé à côté de StreetDance 3D, et à vrai dire, on avait bien fait… Parce qu’à part les chorégraphies, assez réussies, il n’y a pas grand chose à défendre…

Critique du film disponible dans la partie DVD/Blu-Ray/VOD du site… 

 StreetDance 3D - 3

“Raiponce” de Byron Howard & Nathan Greno

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Chalut les mômes !

Oui, c’est moi qui suis chargé de m’occuper de vous aujourd’hui…
Ce n’est pas que ça m’enchante, croyez-moi… Parce que franchement, vous m’avez bien cassé les oreilles, l’autre jour, à la toute fin du mois d’octobre, quand vous avez frappé à la porte de mon maître déguisés en monstres d’opérette ou en sorciers façon “Harry Potter pour les Nuls” et que vous vous êtes mis à brailler comme des putois pour exiger des bonbons. Non mais quelle idée saugrenue!
Ah! Je savais que les humains étaient étranges, mais je dois dire que vous, les plus jeunes d’entre eux, vous êtes complètement frappadingues, en plus d’être bruyants, dissipés et sauvages…
Bref… Comme je ne suis pas chien, c’est à moi qu’incombe la lourde tâche de répondre à toutes vos interrogations sur le très attendu nouveau dessin animé des studios Walt Disney…
Allez-y, je suis prêt… Vous avez des questions, nous avons les Raiponce
(Je m’esbaudis moi-même de ce jeu de mot de grande classe, qui me permet de caser le titre du film avant même qu’on ne me le demande. C’est ça la touche féline. Ca vous change des jeux de mots pourris de Boustoune)

Raiponce - 8

Hé ben euh.. Euh… Pourquoi c’est toi qui répond aux questions ? T’es nul en dessins animés… Nous, on veut la critique d’un enfant, genre Kéo ou PaKa…

Primo et d’une, c’est moi le plus jeune de la bande d’Angle[s] de vue, techniquement parlant, donc les films pour la jeunesse, pas de problème pour moi…
Secundo, les films dont les animaux sont les stars, c’est mon rayon. Or, dans les Disney, les personnages secondaires sont souvent des animaux et ils volent fréquemment la vedette aux fadasses héros humains… C’est encore le cas ici…
Troisio, mon nom, Scaramouche, vient d’un film de cape et d’épée célèbre. Donc les films dont les héros sont de valeureux chevaliers ou de nobles princesses, c’est encore et toujours dans mes cordes…
Ici, il s’agit bien de ça : une histoire de princesse et de chevalier…

Raiponce - 10

Est-ce que c’est un film qui va plaire aux filles ?

Pour sûr! Il s’agit de l’adaptation – très libre – d’un célèbre conte populaire allemand, repris par les frères Grimm. Une histoire de princesse belle comme un coeur, avec une chevelure blonde XXXL qui fera rêver les filles et les vendeurs de shampooing.
Dans cette version, une vieille femme du nom de Gothel découvre une plante magique qui, sous l’effet d’un chant, a le pouvoir de l’aider à retrouver sa jeunesse, pour une durée provisoire. Quelques années plus tard, la reine tombe malade alors qu’elle est sur le point d’avoir son premier enfant. Le roi envoie ses gardes chercher un remède, et ils parviennent à trouver la fameuse plante magique, au grand désespoir de la vieille femme. La décoction réalisée permet de guérir la reine, qui donne naissance à une petite fille, Raiponce. Celle-ci a hérité du pouvoir de la plante, concentré dans sa longue chevelure blonde.
Un soir, la vieille femme la kidnappe et l’emmène avec elle dans une tour isolée, cachée en pleine forêt. Là, elle l’élève comme si elle était sa fille.
Afin de profiter égoïstement des effets revigorants et rajeunissants  de la chevelure magique, elle  garde Raiponce captive dans le domicile familial, tout en lui faisant croire que c’est pour son propre bien, pour sa sécurité…
Evidemment, la jeune fille grandit et a envie de s’émanciper, et un beau jour, quelqu’un viendra l’aider à sortir de là et découvrir le monde…

Autant dire que les filles vont adorer s’identifier à cette héroïne jolie et sympathique, qu’elles vont adorer le sourire enjôleur du “prince charmant” de l’histoire – en fait un voleur du nom de Flynn Ryder, mais bon, tout le monde a droit à une seconde chance –  et qu’elles vont adôôôrer la belle romance entre les deux personnages.

Raiponce - 3

Est-ce que c’est un film qui va plaire aux garçons ?

Peut-être un peu moins qu’aux filles, avouons-le, mais oui, le film ne manque pas d’arguments pour séduire les p’tits gars.
Déjà, ils vont probablement tomber amoureux de la princesse, sans l’avouer. Elle est craquante Raiponce, avec ses grands yeux, ses cheveux au vent et sa voix douce comme du miel… (Bon, moi, elle me laisse indifférent, car malgré son impressionnant volume capillaire, elle manque un peu de poils à mon goût…)
Ensuite, pour les garçons, il faut un minimum d’aventures, d’action et de bagarres. Un héros intrépide et bondissant capable de les faire vibrer…
On en trouve un dans Raiponce
Quoi? Qui? Flynn Rider? Ah ah, laissez-moi rire… Le bonhomme est relativement pleutre, comme tous les humains… Je parlais du cheval, Maximus, le plus fin limier du royaume, le bourrin le plus incorruptible qui soit, tenace et pugnace, qui n’a de cesse de faire triompher la justice…
Quand je vous disais que les animaux, chez Disney, volent la vedette aux humains…
Bon OK, Flynn Rider finira aussi par révéler son côté héroïque pour aller délivrer sa belle au cours d’un final ébouriffant (jeu de mot… La touche féline je vous dis…)

Raiponce - 2

Il y a des méchants ?

Ben oui, forcément… S’il y a des gentils, il faut des méchants pour qu’il y ait une histoire. C’est important le méchant. C’est Alfred Hitchcock – vous connaissez pas, c’est un gros bonhomme qui fait des grands films pour les grands – qui disait que “plus le méchant est réussi, plus le film est réussi”.
Ici, la méchante principale est Gothel, qui derrière ses airs de mère aimante, est un véritable tyran, une femme fourbe, manipulatrice et totalement égoïste. Sous sa forme jeune, elle ressemble à un croisement entre Cher dans Les Sorcières d’Eastwick ; sous sa forme de vieillarde, elle est très semblable à la sorcière de Blanche-Neige… Bref, c’est une saleté de sorcière…
Elle est aidée par deux gros durs, des armoires à glace pas très commodes (touche féline…) qui feraient passer Dolph Lundgren pour un gringalet. Mais comme ils ne sont pas très futés, ça compense…

Raiponce - 11

Mais quand même… Comment ils vont faire les héros pour s’en sortir ?

Ben ils ne sont pas tous seuls, eux non plus.
Comme je l’ai dit et répété, ils ont la chance d’avoir à leur côté les vrais héros du film : des animaux intrépides et rusés.
Il y a donc Maximus, le cheval. Un équidé-tective de première bourre, hein… (un peu moins touche féline, ça…). Un vrai phénomène dressé pour ne jamais lâcher sa proie, capable de se battre à l’épée (si, si, c’est possible…) et de galoper plus vite que le vent.
Et il y a aussi – et surtout – un minuscule caméléon nommé Pascal, l’animal de compagnie super zen et espiègle de Raiponce, qui ne sert à rien d’un point de vue purement scénaristique, mais qui est assez irrésistible de drôlerie.

Outre ces animaux, ils peuvent compter sur quelques humains, et notamment tout un groupe de bandits croisés dans une taverne. Oui, des bandits. Au début, on les croit méchants, mais en fait ils ont gentils. Comme Flynn qui est supposé méchant par Maximus, mais qui a bon fond… Et Maximus, qui a l’air mauvais de prime abord, n’est en fait pas le mauvais cheval… Ce sont tous des faux-méchants. Et la gentille mère, qui est en fait sa fausse mère est en fait une vraie méchante. En revanche, Raiponce est gentille du début à la fin.
Vous suivez? Non? Ho, ‘faut vous réveiller les mioches…

Raiponce - 4

Le film, il est rigolo ?

Oui, plutôt… De toute façon, vous les gamins, un rien vous fait rire.
Pas besoin de gags tarabiscotés pour vous faire vous bidonner : Une poêle à frire, un bonhomme – bing, bang, boum… Ca fait son petit effet…
Et on peut décliner ça dans toutes les situations, le gag cruel du coup en pleine figure, ça marche à tous les coups…
Il y a aussi le running-gag d’un vieillard/Cupidon assez marrant, qui apparait à plusieurs reprises là où on ne l’attend pas… Mais ça, ça fera surtout rire les grands.

Raiponce - 6

Le film, il fait peur ?

Bonne question… Globalement, non. C’est un Disney, donc du calibré pour tous publics, voire pour un public jeune.
Mais, lors de la projection presse, le dénouement de l’affrontement final entre les héros et Gothel a provoqué un silence tendu, puis quelques débuts de pleurs dans l’assistance, heureusement vite maîtrisés par le traditionnel happy-end Disney. Un passage bref, mais qui peut occasionner quelques cauchemars chez les plus petits, comme les apparitions de la sorcière dans Blanche Neige & les sept nains

Raiponce - 5

Le film il est bien ?

Je dois dire que c’est pas mal du tout : il y a de l’action, de l’humour, de la romance, du (faux) drame, un peu de chansons (mais pas trop pour ne pas saouler le public).
Les personnages, aux bouilles attachantes, sont à mi-chemin entre un dessin animé Disney classique et les héros en image de synthèse Pixar, les décors sont féériques et explosent de mille couleurs.
On sent que John Lasseter a bien repris en main le studio, et qu’à défaut d’innover au niveau du scénario ou des concepts, la firme progresse encore en termes de techniques d’animation et de beauté graphique.
Il y a même une scène magnifique dans ce film, celle où Raiponce et son preux chevalier, assis sur une barque au milieu d’un lac, de nuit, assistent au spectacle de de milliers de lanternes s’envolant par-dessus le château et se reflétant sur l’eau.
Splendide ! (comme dirait The Mask)
oui, en fait, c’est un Disney top moumoute (Aïe, mes jeux de mots deviennent aussi pourris que ceux de Boustoune, faut que j’arrête…)

Raiponce - 9

Ouaiiiiis! Je veux le voir !

Tsss… On ne dit pas ‘”je veux”, on dit “cheveux”, parce que là, ça s’impose…
Ah, ces gosses, j’vous jure… ‘Faut tout leur apprendre…

Bon, les p’tits humains, c’est pas tout ça, mais il faut que je vous laisse. Vous savez l’essentiel, non? Ah si, il faut que j’ajoute un mot sur le casting vocal : Mandy Moore, Donna Murphy et Zachary Levi en VO (plus Ron Perlman, Richard Kiel et Jeffrey Tambor); Maéva Méline, Isabelle Adjani et Romain Duris pour la VF.
Du haut de gamme !
Allez, zou, je m”en vais hiberner un peu. Il fait froid dehors et il faut que je sois en forme pour Noël. Et je vous préviens, le premier qui vient me déranger avant le gros barbu en costume rouge, je lui refais le visage façon puzzle…

Pleins de ronrons,
Scaramouche

scaramouche raiponce

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Raiponce Raiponce
Tangled

Réalisateurs : Byron Howard, Nathan Greno
Avec les voix de :  Mandy Moore, Donna Murphy, Zachary Levi (VO), Maéva Méline, Isabelle Adjani, Romain Duris (VF)
Origine : Etats-Unis
Genre : fille perdue, cheveux grands
Durée : 1h 41
Date de sortie France : 01/12/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  A mon humble avis

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“Les émotifs anonymes” de Jean-Pierre Améris

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Les émotifs anonymes - 4

Les fins d’année, c’est toujours épuisant. On est usé par le stress accumulé au cours de l’automne, les rentrées mouvementées, les jours qui raccourcissent, l’arrivée du froid, de la pluie, de la neige, la préparation des fêtes, la course aux cadeaux, le casse-tête du menu du réveillon…
Heureusement, pour tenir le choc, il y a le chocolat…
Du bonheur en barres, en carrés, en pièces finement taillées, nature ou fourré de ganache, de crème, de liqueur. Du bonheur qui fond en bouche, qui ravit le palais, qui émoustille les papilles. Tout cela grâce, paraît-il, à la théobromine, une molécule chimique aux effets stimulants. A moins que le plaisir ne vienne que de la dégustation elle-même, du goût, de la texture, du mélange de saveurs, de l’amertume finement recouverte par une dose adéquate de sucre…

En matière de cinéma aussi, il existe une parade à la morosité.
Vous avez remarqué qu’à cette période de l’année, on ressort régulièrement les bonnes vieilles comédies musicales de l’âge d’or hollywoodien ou les films en-chantés – et enchanteurs – de Jacques Demy?
Normal : il n’y a rien de mieux pour vous regonfler le moral à bloc, vous mettre de la beauté et de la musique plein la tête…

Les émotifs anonymes - 2

Alors imaginez un peu un film qui mêlerait chocolat et ce type de comédie sophistiquée… Ca donne envie, non?
Eh bien, ne rêvez plus. Jean-Pierre Améris l’a fait, avec Les émotifs anonymes.
Bon c’est sûr que dit comme cela, le titre n’est pas très engageant, mais il s’agit assurément de l’un des plus beaux films de cette fin d’année 2010, une comédie pleine de charme et de légèreté.

Le scénario repose sur une idée originale, toute simple : la rencontre amoureuse de deux personnes atteintes de timidité maladive.
Elle, Angélique Delange (un nom qui donne des ailes) est inscrite aux émotifs anonymes. Elle est “jolie comme un coeur”, intelligente, gentille, mais perd tous ses moyens dès qu’on la regarde. Alors, pour une relation sentimentale, c’est tout de suite compliqué… Niveau professionnel, c’est tout aussi galère. La belle est plutôt douée pour l’art culinaire, surtout pour la mise au point de chocolats fins, mais son émotivité chronique, qui avait déjà provoqué son échec aux examens, l’oblige à rester dans l’ombre…

Lui, Jean-René Van Den Hugde (un nom compliqué) n’est pas inscrit aux émotifs anonymes, mais consulte assidument un psy. Il est encore plus timide qu’elle. Un handicap qu’il dissimule sous un masque d’autorité et de froideur. Du moins est-il perçu comme tel par ses employés, dans la petite chocolaterie familiale qu’il a reprise.
Mais son incapacité à aller vers les autres est un sérieux problème. Le bonhomme ne va jamais voir les clients et n’est donc pas au courant de l’évolution des attentes des consommateurs. L’entreprise perd donc peu à peu tous ses clients les plus fidèles et périclite inéluctablement.

Les émotifs anonymes - 3

Alors, il faut recruter d’urgence une commerciale qui puisse trouver de nouveaux clients potentiels. Une personne qui aime le chocolat et qui soit suffisamment passionnée pour convaincre les acheteurs.
Jean-René engage la première personne venue frapper à sa porte : Angélique.
La jeune femme qui pensait postuler pour un emploi à l’atelier de fabrication, protégée du monde extérieur, se voit contrainte d’affronter sa timidité pour aller voir les clients…
L’homme, lui, est surpris de l’affection qu’il éprouve pour cette nouvelle recrue pleine de charme…
Cette rencontre professionnelle va-t-elle déboucher sur une belle romance ?

Vous le saurez en allant voir ce film aussi savoureux que – on ose la comparaison – les chocolats fabriqués par la petite entreprise de Jean-René.
Il y a déjà ce coeur fondant, le duo formé par Isabelle Carré (de chocolat? Hum, désolé. trop tentant…) et Benoît Poelvoorde, tous deux excellents.
La première rayonne de charme et d’élégance dans un rôle taillé pour elle. Son Angélique nous touche par son côté réservé et ses maladresses, qui volent en éclats dès que la passion prend le dessus…
Le second évolue dans un registre plus sobre que d’ordinaire, où sa sensibilité d’acteur peut pleinement s’exprimer. Lui aussi compose un personnage profondément touchant, drôle et tendre à la fois.
La complicité des deux acteurs ne fait aucun doute. On avait déjà pu en juger dans Entre ses mains d’Anne Fontaine, il y a cinq ans. Elle est encore plus prégnante dans le film de Jean-Pierre Améris.

Les émotifs anonymes - 7

La mise de ce dernier, d’ailleurs, exhale des arômes subtils de cinéma à l’ancienne.
Costumes et décors se parent en effet d’un charme rétro, tout droit sortis d’un mélo flamboyant de Douglas Sirk, d’une comédie de Jacques Tati ou, donc, des comédies musicales des années 1950/1960.
Les émotifs anonymes n’est pas une comédie musicale au sens propre du terme, mais il en possède la légèreté et offre quelques scènes chantées et dansées du plus bel acabit.
Pour surmonter sa timidité, Angélique pousse la chansonnette et s’auto-persuade qu’elle a confiance en elle. Jean-René, lui, prend son courage à deux mains et s’empare du micro pour une audacieuse sérénade, dans un restaurant rouennais.
Et quand le couple part pour une promenade nocturne, indifférent à la pluie torrentielle qui s’abat sur lui, difficile de ne pas penser à Gene Kelly dans Chantons sous la pluie.
Par ailleurs, la musique, signée par Pierre Adénot, est presque le troisième personnage du film. Elle nous enveloppe dans son ambiance cotonneuse et ses délicates harmonies. Elle aussi est empreinte d’un charme désuet des plus agréables à l’oreille, réveillant plein de souvenirs de cinéphile nourri aux comédies musicales d’antan (1)…

Les émotifs anonymes - 6

Enfin, le chef opérateur Gérard Simon enrobe le film de douceur, grâce à son ambiance feutrée, ses éclairages chauds, mettant en valeur un univers coloré où dominent les rouges et les verts.
Mais attention, cette douceur et ce côté sucré n’ont absolument rien d’écoeurant, contrairement à bien des comédies romantiques saturées de bons sentiments. Derrière cette belle histoire d’amour, il y a quand même une pointe d’amertume – comme celle de la fève de cacao – le coup de projecteur sur un handicap dont sont atteintes plus de personnes qu’on ne le pense (2).

Vous l’aurez compris à cette prose cinématographico-culinaire, Les émotifs anonymes est un film absolument délicieux. Une comédie romantique qui réchauffe le coeur et enivre les sens, qui revigore les morals défaillants fait oublier le froid et la grisaille.
Alors, ne soyez pas timides et allez vite découvrir en salle ce petit carré de bonheur chocolaté…

(1) : La bande-originale, assez rétro, adopte quand même un titre contemporain : “Big Jet Plane” d’Angus et Julia Stone
(2) : L’association Les émotifs anonymes existe vraiment. Voir leur
site officiel.

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Les émotifs anonymes Les émotifs anonymes
Les émotifs anonymes

Réalisateur : Jean-Pierre Améris
Avec : Isabelle Carré, Benoît Poelvoorde, Lorella Cravotta, Lise Lametrie, Swann Arlaud, Jacques Boudet, Stephan Wojtowicz
Origine : France
Genre : Merci pour le chocolat
Durée : 1h20
Date de sortie France : 22/12/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Critikat

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“Sound of noise” d’O.Simonsson & J.Stjarne Nilsson

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Sound of noise - 5

Savez-vous que pendant que vous absentez de chez vous, des terroristes d’un nouveau genre sont peut-être en train de pénétrer dans votre domicile pour y mettre un bazar de tous les diables, violant votre intimité, fouillant dans vos affaires et allumant même tous vos appareils électroménagers ?
Ceux qui ont vu le court-métrage Music for one apartment and six drummers (1) connaissent déjà les individus en question : une bande de musiciens suédois complètement illuminés qui n’aime rien tant que de faire de la musique avec les objets les plus incongrus dans des lieux si possibles interdits.
Dans le court-métrage précité, ce gang investissait un appartement et créait une symphonie en quatre mouvements à partir des objets trouvés sur place (livres, vinyls, mixeurs, casseroles, balayette des toilettes, brosse à dents, vaporisateur à parfum…), dans chacune des pièces du logement (chambre, cuisine, salle de bains, salon). C’est sans doute ce qu’on appelle de la musique de chambre…

Sound of noise - 3

Dans Sound of noise, ils visent encore plus haut et s’attaquent carrément à une ville entière, par le biais de quelques lieux publics symboliques, là encore au nombre de quatre : un hôpital, une banque, un auditorium, une centrale électrique.
Leur but ? Déjà, bousculer l’ordre établi et défier les autorités, dans un vent d’anarchie qui se veut salutaire.
Ensuite, dénoncer les agressions sonores que nous subissons chaque jour sans nous en rendre compte, dans nos bruyantes métropoles et remplacer la cacophonie urbaine par des constructions musicales autrement plus harmonieuses, pour qui aime la musique expérimentale…
Evidemment, la police ne l’entend pas de cette oreille (hum…) et envoie son meilleur limier pour traquer les anarchistes mélomanes. Plus un inspecteur Dreyfus qu’un inspecteur Clouseau (2), le bonhomme. Un type frustré et nerveux qui déteste la musique et qui souffre de problèmes auditifs de plus en plus nets au fur et à mesure des “exploits” des six percussionnistes.

Sound of noise - 4

Ce personnage permet de donner au film un fil conducteur, une intrigue mêlant course-poursuite policière et comédie romantique – le flic est amoureux d’une femme mystérieuse qui s’avère être le leader de ces musiciens anarchistes.
Ola Simonsson et Johannes Stjarne Nilsson ont sans doute pensé que leurs séquences musicales ne se suffiraient pas à elles-mêmes, qu’il fallait les enrober avec un minimum de trame narrative, pour tenir la distance du long-métrage.
Ils ont sans doute eu tort, car soyons francs, le scénario est un peu trop rudimentaire pour nous emballer complètement, alors que les numéros musicaux sont irrésistibles.
Du coup, même si on ne s’ennuie pas , on se sent un peu frustrés de devoir patienter entre chaque nouvelle composition de nos artistes frapadingues. Et on se dit que finalement, on aurait bien aimé un film composé uniquement de ces morceaux musicaux pleins d’humour et de poésie, tant ils sont brillants.

Sound of noise - 2

Le premier mouvement, par exemple, est un moment d’anthologie : nos zozos investissent un bloc opératoire et font de la musique avec les scalpels, les appareils de contrôle, le défibrillateur et même… le patient prêt à passer sur le billard ! Certes sous anesthésie générale, mais bon…
Et les autres numéros sont du même acabit, petits bijoux d’humour loufoque, d’irrévérence et de délires musicaux absolument réjouissants. Nous n’en dirons pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte…

Malgré nos légères réserves sur le scénario, nous vous recommandons chaudement Sound of noise, film venu du froid et nous vous invitons à découvrir ces six musiciens hors normes, qui dérident les zygomatiques, font battre les coeurs au rythme de leurs mélodies et apportent un peu de poésie dans ce monde de brutes…

(1) : si vous ne l’avez pas vu, allez faire un tour du côté de notre Rubrique-à-brac… Il vous y attend…
(2) : petit clin d’oeil à l’immense Blake Edwards, qui nous a quittés le 15 décembre dernier. Il fut créateur, entre autres joyeusetés, de la Panthère Rose ou de Diamants sur canapé

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Sound of noise Sound of noise
Sound of noise

Réalisateurs : Ola Simonsson, Johannes Stjarne Nilsson
Avec : Sana Persson, Bengt Nilsson, Magnus Börjeson, Anders Vestergârd, Marcus Haraldson Boij
Origine : Suède, France
Genre : ils tapent sur des bambous et c’est numéro un
Durée : 1h42
Date de sortie France : 29/12/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Première

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“Black Swan” de Darren Aronofsky

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Satoshi Kon, génial cinéaste japonais qui nous a quittés l’an passé, fait des émules sur le sol américain. Après Inception, qui revendiquait clairement l’influence de son Paprika, voici qu’Hollywood revisite son Perfect blue avec le Black Swan de Darren Aronofsky.

Black Swan - 4

Les deux films présentent bon nombre de similitudes, à commencer par l’architecture du récit, axé autour du trouble identitaire d’une jeune artiste.
Dans le film de Satoshi Kon, le personnage principal était une chanteuse pop de Mima qui, au sommet de sa gloire, décidait de tout plaquer pour devenir actrice. Mais, très vite, elle se retrouvait assaillie par le doute : allait-elle être à la hauteur? Ses fans allaient-ils approuver ce changement de cap? Ces angoisses se transformaient vite en malaise profond. La jeune femme avait des hallucinations dans lesquelles elle voyait son double maléfique commettre des crimes horribles, elle confondait ses rêves, la fiction dans laquelle elle jouait, et la réalité. Au point de remettre en question sa santé mentale. L’intrigue entretenait le suspense : Mima était-elle en train de devenir complètement folle ou bien des personnes, dans son entourage, cherchaient-elles à la faire craquer?
La réponse était donnée, comme il se doit, dans les dix dernières minutes du film, après un suspense aussi éprouvant pour nos nerfs que pour ceux de la pauvre héroïne…

Black swan - perfect blue

Chez Aronofsky, c’est le même principe : Le personnage principal, joué par Natalie Portman, se nomme Nina (notez la similitude…). Elle est membre d’un prestigieux corps de ballet new-yorkais. Comme toutes ses camarades, elle rêve de bénéficier un jour d’un grand rôle sur scène, de devenir danseuse-étoile et de voir ainsi récompensées des années d’efforts et de sacrifices.
Quand le célèbre metteur en scène Thomas Leroy (Vincent Cassel) annonce, en début de saison, qu’il se passera désormais des services de son égérie Beth McIntyre (Winona Ryder), Nina y voit l’opportunité de réaliser son rêve en obtenant le double rôle principal du “Lac des cygnes” de Tchaïkovski.

Le problème c’est que si Nina possède la grâce, la candeur et l’innocence nécessaire pour jouer le cygne blanc, une princesse transformée en animal par un sorcier, elle est bien trop sage pour incarner le cygne noir, son sosie maléfique.
Pour empêcher que le rôle ne revienne finalement à une autre danseuse, dont la nouvelle venue, Lilly (Mila Kunis), rebelle et sensuelle, elle doit s’abandonner au désir de son metteur en scène et laisser s’exprimer sa part d’ombre.
Pas facile pour celle qui a toujours été couvée par une mère surprotectrice (Barbara Hershey) et qui, par sacrifice pour la danse, s’est tenue à l’écart des choses de la vie, de l’amour et du sexe…µ
En conséquence, Nina est en proie au stress et au doute. A mesure que la première représentation approche, la jeune femme est de plus en plus perturbée, d’autant que des événements déstabilisants se produisent autour d’elle et la poussent à s’interroger sur les intentions de son entourage et sur sa propre raison.
Crises de schizophrénie paranoïde? Ou bien complot ourdi par une camarade jalouse de sa réussite, une mère frustrée d’avoir sacrifiée sa carrière pour élever son enfant, ou une ex-étoile vengeresse ?
La réponse interviendra, comme il se doit, dans les dix dernières minutes du récit, après un suspense aussi éprouvant pour nos nerfs que pour ceux de la pauvre héroïne…

Black Swan - 16

Perfect blue et Black Swan fonctionnent sur le même mode narratif. Ils naviguent en eaux troubles, à la frontière entre le fantasme et la réalité, entre le fantastique, le thriller et le drame psychologique, en proposant des scènes cauchemardesques susceptibles de flanquer les pétoches même aux cinéphiles les plus endurcis – Parents, si vous ne voulez pas traumatiser vos enfants, ne les emmenez pas voir ce film (1).
Et ils reposent sur les mêmes effets, les mêmes idées de mise en scène, pour traduire le trouble identitaire de leur personnage. Les deux films accumulent les effets de miroirs et de reflets – y compris de reflets indisciplinés, doppelgängers ou hallucinations autoscopiques inquiétantes…

Ce miroir a la même fonction que dans les romans de Lewis Caroll : les héroïnes enfantines, doivent le traverser pour affronter leurs peurs, accepter leur féminité et  accéder à la maturité. On notera par ailleurs que “A travers le miroir” est construit comme une partie d’échecs (2). Les blancs contre les noirs chez l’écrivain britannique…  Le cygne blanc contre le cygne noir chez Aronofsky… Dans Black swan,  l’objet-miroir est aussi emblématique de la transformation de la simple danseuse en danseuse étoile, à force d’efforts et de répétitions devant la glace, jusqu’à l’obtention du geste parfait. Le passage à l’âge adulte s’accompagne d’une maturité artistique, Nina poussant son talent de danseuse jusqu’à son apogée.
La référence est moins explicite chez Satoshi Kon, Mima ayant déjà goûté au succès et à la célébrité avec son girls band, elle ne cherche plus à atteindre les sommets. Juste à changer d’image, à changer le regard que le public a pour elle. C’est peut-être pour cela qu’elle accepte un rôle difficile, celui d’une femme victime d’un viol. Evidemment, pour elle, la scène est très difficile à jouer, tout comme la danse du cygne est un calvaire pour la pauvre Nina.

Black Swan - 2

La difficulté vient du fait ces performances exigent de leurs interprètes d’affirmer leur côté sensuel et désirable, d’assumer leur sensualité et leur sexualité. Or aussi bien Mima que Nina sont encore des femmes-enfants n’ayant jamais réellement connu l’amour physique. Nina, obnubilée par la danse, semble même totalement se désintéresser du sexe. Pour elle, le corps n’est qu’un outil destiné à reproduire le plus parfaitement possible des figures imposées pour le coda. Il est synonyme de souffrance, pas de plaisir. Ce n’est qu’au moment où Thomas tente de la séduire, autant pour créer un lien metteur en scène/égérie que pour la pousser à exhiber sa sensualité refoulée, qu’elle s’éveille au désir. Elle nourrit pour le chorégraphe un mélange d’attirance/répulsion qui la trouble profondément.

Mais son désir ne s’arrête pas là : elle est aussi fascinée par d’autres danseuses, comme Beth ou Lilly, sans que l’on sache s’il s’agit de désir homosexuel – après tout, Nina se cherche et explore tous les aspects de sa sexualité – ou si elle ne désire ces femmes que pour s’approprier leur personnalité, plus sensuelle et provocante (Lilly) ou plus mature et vénéneuse (Beth) – ce qui explique pourquoi elle dérobe quelques objets ayant appartenu à l’ancienne danseuse-étoile de la troupe.
L’acceptation de sa féminité passe aussi par la découverte du plaisir solitaire, à travers d’une scène de masturbation qui se termine abruptement et de façon honteuse quand Nina découvre qu’elle n’est pas seule dans sa chambre, sa mère l’ayant veillée toute la nuit…

Black Swan - 13

Ceci nous amène à un autre passage obligé pour l’héroïne dans sa transformation d’oie blanche en cygne noir : l’obligation de couper le cordon ombilical, de prendre ses distances avec une figure maternelle envahissante.
Encore un point commun avec Perfect blue : La mère-poule de Nina répond à la manageuse prévenante de Mima, deux personnages adultes vivant leur rêve par procuration et maintenant leurs protégées dans un environnement infantilisant, pour préserver leur pureté et leur image puérile. Dans le film de Satoshi Kon, l’affrontement entre Mima et Rumi était la clé du passage adulte de la jeune chanteuse. Dans Black Swan, il est tout aussi violent. Nina s’émancipe en se rebellant contre l’affection étouffante de sa mère et la façon dont elle dirige sa vie. Dans un accès de rage,elle  jette aux ordures toutes ses peluches (la même scène est visible dans Perfect blue) et brise sa boîte à musique, symbole du lien entre sa mère et elle. Elle en vient à recourir à la force pour se (re)créer une intimité. C’est à ce moment-là que Nina devient le cygne noir – et dans son hallucination, la transformation se manifeste physiquement…

Enfin, chose importante, les deux films décrivent symboliquement la création artistique – le métier d’interprète dramatique et de danseuse – comme un abandon, un lâcher-prise, la perte de ses propres repères, de son identité, pour mieux incarner un personnage.

Alors, Black swan est-il un plagiat de Pefect blue? Un hommage?
Darren Aronofsky s’en défend. S’il reconnaît les similitudes entre les deux films, il affirme n’avoir pas eu en tête l’oeuvre de Satoshi Kon au moment de tourner son film. Pourtant, l’admiration que le cinéaste américain voue à son homologue japonais est de notoriété publique. C’est d’ailleurs lui qui possède les droits américains d’un hypothétique remake de Perfect blue. Il les a acheté pour pouvoir reproduire à l’identique un plan du film  de Satoshi Kon dans son Requiem for a dream.

Black swan - perfect blue - requiem for a dream

Il est extrêmement bizarre qu’Aronosky renie ainsi l’influence du cinéaste japonais alors qu’à l’évidence, il lui doit énormément. Affaire de gros sous entre studios? Problème d’égo? Passé houleux entre les deux cinéastes Difficile de savoir, et à vrai dire cela importe peu…
Il est clair qu’Aronofsky, consciemment ou non, a puisé son inspiration dans Perfect blue.
Maintenant, on ne va pas lui en faire le procès. Les cinéastes s’inspirent et se pillent les uns et les autres depuis les origines du septième art, afin d’intégrer ce qu’il se fait de mieux à leur propre univers. Kon lui-même a pioché son inspiration dans les oeuvres d’Hitchcock, d’Argento ou de Seijun Suzuki.

L’important, c’est la qualité de ces références et ce qu’ils en font. Et sur ce plan-là, il est clair qu’Aronofsky s’en sort bien. Il ne se contente pas de citer – inconsciemment, admettons… – Satoshi Kon. Parmi les influences revendiquées, il parle notamment de Roman Polanski. Il est vrai qu’il emprunte beaucoup à Répulsion et au Locataire, pour l’ambiance psychologique malsaine et la variation sur le thème du double. Pour les mêmes raisons, beaucoup mettent en avant les ressemblances entre Black swan et certains films de Brian De Palma, autre cinéaste jadis vilipendé pour piller sans vergogne les oeuvres hitchcockiennes.
Difficile, aussi, de ne pas penser à Dario Argento et son Suspiria, film d’horreur baroque situé au coeur d’une école de… danse, et à l’esthétique aussi travaillée que celle d’Aronofsky.
Et difficile de ne pas penser à David  Lynch et à ses deux films Mulholland drive et INLAND EMPIRE, tournant tous deux autour du métier d’actrice, de la confusion identitaire et de la dissolution de la frontière entre fantasme et réalité…

Black Swan - 18

Ce qui est passionnant ici, c’est qu’Aronofsky ne se contente pas de piller d’autres cinéastes, il digère ces influences pour les mettre au service d’une oeuvre très personnelle, dans la lignée de ses films précédents.

La première constante des longs-métrage du réalisateur, c’est l’obsession.
Ses personnages sont tous obnubilés par quelque chose. Dans π (Pi), son premier film, le personnage principal était un mathématicien déterminé à percer les secrets du nombre Pi et sa quête le menait jusqu’aux confins de la folie et provoquait chez lui de violentes migraines.
Dans Requiem for a dream, tous les personnages étaient accros à une drogue, substance chimique ou poison audiovisuel et étaient prêts à tout pour se procurer leur dose. The fountain racontait le combat d’un/de trois homme(s) pour sauver la/les femme(s) qu’il(s) aimaient… Enfin, The Wrestler montrait le combat d’un ancien catcheur-vedette pour remonter sur le ring au prix d’intenses souffrances.

Black Swan - 7

Il s’agit  là de la seconde constante de l’oeuvre d’Aronofsky. Le rapport des protagonistes à leur corps.
Il y a un lien très fort entre le personnage de Randy joué par Mickey Rourke dans The Wrestler et celui de Nina. Leur corps est leur outil de travail. Il doivent la maltraiter, l’entraîner, lui imposer des contraintes parfois insoutenables pour se hisser au niveau de performance physique que l’on attend d’eux.
Randy se dope pour augmenter sa masse musculaire, au risque de développer une pathologie cardiovasculaire, et sur le ring, il se donne à fond, au prix de contusions, plaies ouvertes, bosses et traumatismes crâniens. Nina répète jusqu’à l’épuisement, jusqu’au sang, même. Elle s’astreint à un régime draconien et n’hésite pas à se faire vomir pour ne pas prendre de poids… Leur vie n’est que discipline et souffrances…
Les deux films sont presque jumeaux. Ils se terminent de façon quasi-identique, par un plongeon et des acclamations. Mais évidemment, ni la trame, ni la tonalité ne sont similaires.

Les autres figures aronofskiennes utilisent aussi le corps comme un outil : le héros de π (Pi) utilise au maximum les possibilités de son cerveau et met un terme à ses souffrances en s’auto-mutilant – un geste qu’il faut rapprocher des griffures que s’impose Nina – le scientifique de The Fountain fait des recherches sur des organismes pour trouver un remède à la maladie, et on y trouve des prostituées et des stripteaseuses, qui utilisent leur corps et leur sexualité pour assurer leur survie…

Black Swan - 9

Enfin, avec Black swan, Aronofsky  utilise de nouveau une figure maternelle inquiétante. Tout le monde se rappelle de la monstrueuse performance d’Ellen Burstyn dans Requiem for a dream. Celle de Barbara Hershey est probablement du même calibre. Elle incarne une mère entretenant des rapports d’amour et de haine entremêlés avec sa fille. Sa “sweet girl” est à la fois sa fierté et son désespoir. C’est pour l’avoir et l’élever qu’elle a renoncé à son rêve de devenir danseuse-étoile. Alors, forcément, son comportement est ambivalent. D’un côté, elle surprotège sa fille, la tient éloignée des tentations amoureuses, des excès en tout genre. De l’autre, elle la jalouse et la tyrannise, comme dans cette scène, apparemment anodine, où elle oblige quasiment sa fille à manger une énorme part de gâteau à la crème, totalement déconseillé pour l’équilibre alimentaire de la danseuse. Elle idolâtre sa fille et nourrit une obsession à son égard, passant la journée à faire son portrait. Mais ces portraits ont quelque chose de malsain, visions déformées et grotesques de la jeune femme… Cette relation, et la façon dont Nina s’en émancipera, sont au coeur du film.

Black Swan - 5

Malgré les nombreux emprunts qu’il effectue pour chaque nouveau film, Darren Aronofsky développe donc une oeuvre cohérente et thématiquement intéressante.
On apprécie aussi la façon dont il affine son style de mise en scène. Le côté expérimental et les fantaisies visuelles de ses trois premiers films, leurs emphase dramatique on cédé la place à un cinéma tout aussi viscéral, mais plus intimiste, plus élégant formellement, avec The Wrestler.
Ici, il réussit à fusionner les différentes facettes de son talent – le côté blanc et le côté noir – pour livrer une oeuvre magistrale, à la réalisation ultra-précise. Rien n’est laissé au hasard, chaque détail est traité avec un soin particulier, minutieusement.

On a déjà parlé des jeux de miroirs, magnifiques, qu’il utilise pour symboliser l’éclatement de la personnalité de l’héroïne, jouer sur la dualité, le double inversé. On pourrait aussi évoquer le jeu sur les motifs, ceux représentant un cygne (par exemple, la peluche de cygne noir qui trône au milieu des autres, la sonnerie de téléphone de Nina, la musique de la boîte à musique…) qui trahissent l’obsession du personnage principal, ou bien le motif de la fleur décliné de multiples façon – symbole de l’éclosion d’une artiste ou d’une femme, symbole, aussi de virginité.
Le film entier peut d’ailleurs être vu comme une allégorie de la perte de la virginité. Nous n’en diront pas plus pour ne pas trop déflorer l’intrigue – c’est le cas de le dire –  mais la fin du film peut être analysée ainsi…
On pourrait encore évoquer le jeu sur les couleurs, les dominantes de blanc et de noir qui s’opposent constamment, la pointe de rouge qui vient se mêler à tout cela (le rouge-à-lèvres de Beth, le carmin du sang de l’héroïne…).
La pureté, la violence, le désir…

Black Swan - 12

Certains trouveront sans doute cette mise en scène trop ostensible, railleront son manque de subtilité.
Ils ont tort. Il ne faut pas oublier que l’idée-force du film tourne autour de la représentation d’un ballet, une représentation scénique qui utilise beaucoup les contrastes et l’outrance théâtrale pour faire passer l’émotion. Aronofsky livre en quelque sorte sa version du “Lac des Cygnes”, que beaucoup considèrent comme une oeuvre chargée, d’un point de vue symbolique et psychanalytique.
Sa mise en scène joue sur les décors, les accessoires, les lumières et les ombres, les mouvements de caméra conçus comme autant de manèges (les plans-séquences),d’arabesques et d’entrechats (plans fixes ou mouvements discrets soulignant l’action)…

On retrouve d’ailleurs cette approche théâtrale et cette minutie dans le choix des musiques. Compositeur attitré d’Aronfosky, Clint Mansell signe une belle partition, déclinaison des thèmes créés par Tchaïkovski pour son célèbre ballet.
Et tous les morceaux musicaux externes, en soutien, recyclent d’une façon ou d’une autre les mélodies du compositeur russe (titres des Chemical brothers, de Sepalcure ou Al Tourettes).
A l’instar de Nina, Darren Aronofsky est en quête de perfection. Il est obsédé par sa création et le souci du moindre détail. Chaque élément compte. C’est peut-être le seul défaut véritable que l’on pourrait faire, paradoxalement, au film. Il est trop parfait, trop maîtrisé, trop glacé pour surprendre véritablement.
Mais on ne va quand même pas cracher dans la soupe. C’est du grand cinéma, et assurément l’oeuvre la plus flippante et la plus érotique offerte par le cinéma hollywoodien ces derniers mois.

Black Swan - 10

On aime ou non le style du cinéaste, mais il y a indéniablement un gros effort de mise en scène et une logique inattaquable dans chacun de ses choix.
Et puis, si on n’adhère pas au film par le biais de sa mise en scène, il reste les acteurs, tous impeccables.
Honneur aux hommes, Vincent Cassel est convaincant en figure masculine autoritaire et virile, à la fois figure paternelle de substitution et objet de désir, prince charmeur et magicien noir.

Mais c’est surtout ce formidable quatuor féminin réuni à l’écran qui impressionne : Winona Ryder, icône des années 1990, se rappelle au bon souvenir des spectateurs en incarnant une figure féminine forte d’ange déchu, être psychologiquement fragile transformée en boule de colère et de rancoeur ; Barbara Hershey fait également un retour spectaculaire en mère possessive et nous remémore qu’elle a jadis réussi la prouesse de remporter deux prix d’interprétation successifs à Cannes, à la fin des années 1980 ; Mila Kunis est bien plus qu’une doublure. On la savait belle et sensuelle, on la découvre intense, ambigüe, mystérieuse, capable d’exprimer son talent dans autre chose que des nanars comme Max Payne ou Le Livre d’Eli.

Black Swan - 8

Et, bien sûr, on ne peut qu’applaudir à la performance de Natalie Portman, habitée par le personnage. Elle est Nina. Elle possède ce mélange de grâce enfantine de pureté virginale, de maturité et de sex-appeal qui l’avaient faite remarquer dès ses débuts dans le Leon de Luc Besson. Elle maîtrise aussi l’art de la danse. Ancienne danseuse, elle n’a pas hésité à rechausser les pointes et à subir un entraînement intensif pour être crédible dans ce qui est probablement son plus beau rôle. Elle a exécuté la plupart des chorégraphies elle-même, sans recourir à une doublure, preuve d’un investissement physique total dans le rôle. Il fallait sans doute cela pour que le spectateur puisse compatir au sort du personnage, ou mieux, puisse s’identifier à lui. Cela ne pouvait être qu’elle et on espère fortement que sa performance exceptionnelle sera récompensée d’un oscar, le 27 février prochain.

Black Swan - 17

C’est peut-être grâce à elle, si intense, si touchante, que Black Swan sort véritablement de l’ombre de son faux jumeau, Perfect blue, et peut exister en toute indépendance.
Pour Natalie Portman, pour ses partenaires, pour la maestria de la mise en scène, le film mérite d’être vu. Mais attention, vous êtes prévenus, le cinéma d’Aronofsky est viscéral et axé sur la souffrance. C’est une épreuve autant physique que mentale, pour les héros comme pour le spectateur. On sort de la salle de cinéma les nerfs à vif et les muscles raidis, exténués et choqués… mais aussi conscient d’avoir pris une leçon de cinéma.
On applaudit à tout rompre…

(1) : Le film n’est curieusement pas interdit aux moins de douze ans alors qu’il développe un univers malsain, très adulte, comporte plusieurs scènes pas vraiment indiquées aux plus jeunes – érotiques ou violentes – et aborde des sujets assez âpres… Puisqu’on compare les deux oeuvres, Perfect blue était interdit aux moins de 12 ans.
(2) : Note personnelle : Merci cher PaKa, de m’avoir fait penser à cela, grâce à notre discussion autour de ta critique du roman de Caroll illustré par Lostfish…

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Black Swan Black swan
Black swan

Réalisateur : Darren Aronofsky
Avec : Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel, Barbara Hershey, Winona Ryder
Origine : Etats-Unis
Genre : thriller psychanalytique
Durée : 1h48
Date de sortie France : 09/02/2011
Note pour ce film : ●●●●●●

contrepoint critique chez :  Studio Ciné Live

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Voir aussi les superbes affiches du film dans notre Rubrique-à-brac

“Sucker Punch” de Zack Snyder

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Top! Cinéaste américain né en 1966, j’ai rendu hommage au survival horrifique et au film de zombies en signant le sympathique remake du Zombie de Romero, L’Armée des morts. Puis j’ai affirmé un goût prononcé pour le travail sur l’image en adaptant les oeuvres de deux auteurs majeurs de la BD américaine : Franck Miller, avec le bodybuildé et testostéroné 300, et Alan Moore, avec la courageuse adaptation de Watchmen. Deux films à l’esthétique très travaillée, proche du matériau original. Enfin, je me suis essayé à la fois à l’animation et au relief avec le premier (et dernier?) volet du Royaume de Ga’Hoole, adaptation d’une série de romans pour adolescents. Je suis… Je suis…
Zack Snyder…

Au vu de son âge et de son éclectique filmographie, on se doutait bien que Zack Snyder était un geek pur et dur, un fan de BD et de manga, d’héroic-fantasy, de SF et d’horreur, un amateur de jeux vidéo et de bonnes vieilles séries B découvertes en VHS ou en DVD, bref, tout ce qui appartient à la “contre-culture”. Il le prouve encore plus avec Sucker Punch, son premier scénario original, dans lequel il balance, en vrac, toutes ses influences, littéraires, cinématographiques et musicales, et remixe tous les univers qui l’ont fait rêver, en poussant encore plus loin ses bidouillages sur l’image, le son et le montage.

Sucker Punch - 2

Allons droit au but. Les détracteurs du jeune cinéaste, qui lui reprochent essentiellement son style plein d’esbroufe, son approche “clipesque” du montage et sa mise en scène privilégiant la forme au fond, peuvent s’abstenir de voir ce film. Ils vont le détester…
L’introduction donne le ton. Elle présente le personnage principal, “Baby Doll” (Emily Browning) et le drame familial qui l’a conduite dans un sinistre asile psychiatrique pour jeunes femmes, attendant de subir une lobotomie : sa mère décède, laissant Baby Doll et sa petite soeur seules avec leur salaud de beau-père. Celui-ci, furieux de n’avoir rien touché de l’héritage, s’attaque aux deux filles. Il tue la plus jeune et colle le meurtre sur le dos de l’aînée.
Il corrompt Blue (Oscar Isaac), un employé de l’hôpital psychiatrique voisin pour appuyer l’enfermement de la jeune fille et produire un faux document ordonnant la lobotomie de la patiente.Ainsi, il pourra tranquillement toucher la fortune de son ex-épouse sans craindre que la vérité n’éclate…
Toute cette partie est expédiée en moins de dix minutes, quasiment sans dialogues, mais avec pour fond musical le remix de “Sweet Dreams” d’Eurythmics (1), et mis en scène avec force ralentis et effets de montage, un peu comme la scène de la mort du Comédien dans Watchmen. Du pain béni pour les fans, du grain à moudre pour les détracteurs…

Et ce n’est que le début, car la suite du métrage est complètement folle.
A ce point, on s’attend à voir un hommage aux films carcéraux et au sous-genre que constituent les “women in prison”.
Raté… Alors qu’un plan nous montre l’héroïne en mauvaise posture, sur le point de recevoir le coup de poinçon fatidique qui pourrait la transformer en légume, hop, on passe dans une autre réalité, un fantasme créé par Baby Doll pour rendre son séjour à l’asile un peu moins sordide et déprimant (enfin, tout est relatif…)

Sucker Punch - 7

L’asile psychiatrique des années 1960 devient un cabaret clandestin des années folles, tenu par l’infâme parrain de la mafia, Blue Jones. Celui-ci accueille généreusement des orphelines pour les transformer en “danseuses” et plus si affinités avec les “spectateurs” – des notables ayant envie de s’encanailler. Blue annonce que la virginité de Baby Doll doit prochainement être vendue au High Roller (allégorie du chirurgien chargé de la lobotomie), et qu’elle doit comme les autres filles participer aux corvées, en cuisine ou ailleurs, et assister aux répétitions de Madame Gorski, la professeure de danse (Carla Gugino). On s’attend alors à voir une sorte de comédie musicale façon Moulin Rouge, avec numéros dansés sur fond de tubes contemporains (ici, “Army of me” de Björk ou “Where is my mind?” des Pixies, en version remixée). Encore raté !
On ne verra rien des numéros exécutés par Emily Browning. (2)

Sucker Punch - 4

Dès qu’elle se met à danser, hop, elle est encore projetée dans une autre dimension, un fantasme dans le fantasme, où elle se transforme en super-guerrière et est capable d’exploits physiques impressionnants. Dans ce niveau de réalité, elle est guidé par un vieux sage (Scott Glenn), qui lui donne des missions à accomplir. Chaque mission correspond, dans la réalité (ou du moins dans la réalité altérée) à la quête d’un objet précis, qui pourrait l’aider à s’évader physiquement du cabaret/hôpital : un plan des lieux, un briquet, un couteau, une clé…
Mais pour cela, Baby Doll a besoin d’aide. Elle s’associe à quatre autres pensionnaires, elles-aussi désireuses de s’évader : les deux soeurs Sweet Pea (Abbie Cornish) et Rocket (Jena Malone), Amber (Jamie Chung) et la frêle Blondie (Vanessa Hudgens).

Sucker Punch - 5

Dans le niveau de réalité numéro 1, le plan est simple : quand Baby Doll danse, tout le monde n’a d’yeux que pour elle. Alors, pendant ce moment de distraction, ses complices peuvent dérober les précieux objets.
Mais dans le niveau de réalité numéro 2, c’est une autre affaire… Les cinq filles doivent combattre des hordes de créatures de plus en plus dangereuses et variées.

Là, Snyder se lâche complètement, laisse libre cours à ses fantasmes de geek pur et dur. Dans un temple asiatique isolé, Baby Doll combat, un sabre dans une main et un gun dans l’autre, des samouraïs titanesques. Puis elle et ses copines se retrouvent dans les tranchées, affrontant des soldats-zombies (!) à la botte de généraux nazis (!) avec l’aide d’un Mechwarrior (!). Elles combattent des orcs et des dragons tout droit issus du Seigneur des anneaux (!) dans un château médiéval ou des droïdes flingueurs(!) dans un univers futuriste… Rien que ça…

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le cinéaste s’est fait plaisir en casant dans son long-métrage tout ce qu’il aime en tant que spectateur. C’est un peu la démarche utilisée par Quentin Tarantino dans ses films. Mais le cinéaste de Kill Bill est nettement plus subtil et raisonnable que Zack Snyder. S’il avait réalisé ce film, QT se serait probablement cantonné à des clins d’oeil aux séries B des années 1970, aux bobines de sexploitation type Women in cages mais il n’aurait certainement pas osé ce grand mélange de genres.
Snyder, lui, ose et assume totalement ce qui constitue à la fois la force et la faiblesse de son film.

Sucker Punch - 6

Il serait hypocrite d’affirmer qu’on ne prend pas son pied à voir ces cinq filles ultra-sexy (3) exterminer du monstre à coups de sabre, de mitrailleuse ou même à mains nues. Ou bien à guetter les apparitions de Scott Glenn et ses “encore une dernière chose…”. C’est du grand n’importe quoi, d’accord, mais du grand n’importe quoi jouissif. Et comme Snyder soigne globalement son emballage esthétique, le spectacle est appréciable.
Le problème, c’est qu’il essaie de caser beaucoup trop de choses, trop de références différentes, dans ces scènes d’action. Et qu’il enchaîne ses séquences comme autant de morceaux de bravoure indépendants les uns des autres.
Passée la première transition d’un monde à l’autre, l’effet de surprise ne joue plus et l’intérêt faiblit de scène en scène, d’autant que Snyder n’essaie pas, étrangement, d’utiliser ces séquences comme des moteurs dramatiques, contrairement à Inception, par exemple, ni pour appuyer symboliquement l’avancée de son intrigue principale, qui reste la tentative d’évasion des filles.

Sucker Punch - 3

Il aurait pu jouer un peu plus sur les symboles oniriques et psychanalytiques, accentuer d’un niveau à l’autre  la déformation des faits réels – sordides, scandaleux – vécus par l’héroïne. Oh, il le fait un peu, bien sûr, en jouant notamment sur la symbolique des objets recherchés ou par l’intermédiaire des musiques choisies : “Sweet dreams” (“doux rêves”, en français), “where is my mind?” (“ou est mon esprit?”), “Tomorow never knows”, titre psychédélique des Beatles, ou “White rabbit” d’Emilia Torrini.
Cette dernière chanson évoque évidemment “Alice au pays des merveilles” qui est aussi un récit initiatique et identitaire fort, à l’ambiance onirique/psychanalytique marquée, dans lequel une jeune fille troublée affronte les épreuves en les recréant en rêve.
Or c’est bien cela qui est le plus intéressant dans Sucker Punch : la vision déformée d’un véritable calvaire, la fugue mentale d’une jeune femme en grande détresse psychologique.

D’ailleurs, Snyder en a bien conscience. Car en toute fin de parcours – mieux vaut tard que jamais –  il parvient à donner une autre dimension à son récit en laissant au spectateur une certaine liberté d’interprétation.
Qui est la véritable héroïne du film? Baby Doll? Sweet Pea? Ou bien ne sont-elles, et les autres filles, que les projections mentales d’une seule et même personne? La fin, destination Paradise, signifie-t-elle le succès de l’opération ou bien la mort? Nous avons bien sûr nos propres théories, que nous vous proposons de développer dans la partie “commentaires” de cet article, à ne lire bien sûr, qu’une fois que vous aurez vu le film…

Sucker Punch - 9

Disons simplement, que Sucker Punch peut être vu comme le Mulholland drive ou le Brazil de Zack Snyder, en plus brouillon et en moins génial, bien sûr. Et que, malgré de nombreux défauts – rythme inégal, dialogues assez plat, jeu d’acteur parfois défaillant car écrasé par la lourdeur du dispositif, mise en scène abusant d’effets indigestes… – ce cinquième long-métrage en forme de gros bordel organisé ne manque ni de charme ni d’intérêt.

Bien sûr, le film va diviser. Il est difficile de marier film de genre ultra-référencé et puzzle complexe et tortueux sans s’attirer les foudres d’un groupe ou l’autre de spectateurs. Il y a ceux qui ne vont rien comprendre et ceux qui ne vont même pas essayer de creuser un peu, ceux qui vont baver devant les exploits de ces superwomen et ceux qui vont trouver fatigants ce bruit et cette fureur…
Snyder s’en moque éperdument. Il a réalisé le film qu’il voulait faire, même s’il a été contraint de se limiter au niveau de la violence et des sous-entendus sexuels (4) : une oeuvre sombre, plus complexe qu’elle n’en a l’air, et dont l’abondance de références et d’action peut-être vue comme le bouquet final de son “enfance cinématographique” avant de passer à des films plus adultes…
Une oeuvre qui envoie de surcroît un démenti cinglant à tous ceux qui le qualifiaient de macho, après 300 et Watchmen, puisqu’elle offre les premiers rôles de scènes d’action bien bourrines à un quintette d’actrices on ne peut moins masculines…

Sucker Punch - 8

Reste à voir si Snyder saura affiner son style, le débarrasser de ses inutiles fioritures, pour réussir enfin une oeuvre totalement aboutie et mature. Le projet Superman : man of steel n’est pas forcément l’idéal pour ce changement de cap, mais qui sait ? Avec la tutelle de Christopher Nolan, coproducteur et coscénariste du film, on veut s’attendre à une relecture digne de Batman : The Dark knight. A suivre, donc…

(1) : L’asile psychiatrique s’appelle le “Lennox asylum”, en hommage à Annie Lennox, chanteuse de Eurythmics. Dans le clip de cette chanson, à l’époque, on visualisait les rêves de l’interprète via un petit point rouge dessiné sur son crâne, pile à l’endroit où le médecin cherche à pratiquer la lobotomie, au poinçon…
(2) : Les numéros ont été filmés, mais retirés du montage final, pour ne pas alourdir la durée du film. Ils seront en bonus de la version director’s cut en DVD.
(3) : Personnellement, j’avoue un petit faible pour la délicieuse Abbie Cornish… Rhaaa lovely…
(4) : certaines scènes seront aussi sur le DVD.

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Sucker Punch Sucker Punch
Sucker Punch

Réalisateur : Zack Snyder
Avec : Emily Browning, Abbie Cornish, Jena Malone, Jamie Chung, Vanessa Hudgens, Scott Glenn
Origine : Etats-Unis
Genre : dreams are my reality
Durée : 1h49
Date de sortie France : 30/03/2011
Note pour ce film : ●●●●

contrepoint critique chez :  Le Nouvel Observateur

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“Chico & Rita” de Fernando Trueba & Javier Mariscal

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Chico & Rita - 3

A l’origine de Chico & Rita, magnifique histoire d’amour, il y a des belles histoires d’amitié.

Déjà, celle du cinéaste espagnol Fernando Trueba et du musicien cubain Bebo Valdés…
Les deux hommes se sont rencontrés à la fin des années 1990, quand Trueba tournait Calle 54, un documentaire sur le latin jazz, et notamment le jazz afro-cubain dont Valdés fut l’un des meilleurs représentants.

Ensuite, celle du même Fernando Trueba avec Javier Mariscal, auteur de BD, graphiste et designer.
Mariscal a dessiné les affiches de plusieurs films de son compatriote cinéaste et a signé toute l’iconographie et les clips d’animation pour le label Calle 54 Records créé par Trueba pour promouvoir le…  latin jazz.

Alors, quand le cinéaste espagnol a décidé de réaliser un film de fiction en hommage à ce style musical qui le passionne et aux idoles qui ont fait swinger sa jeunesse, il a choisi de raconter une histoire inspirée de la vie de son vieux copain Bebo Valdés et d’associer ce dernier au projet, via le doublage du personnage principal et l’élaboration de la bande originale. Et, plutôt que de réaliser une reconstitution d’époque forcément coûteuse, avec des acteurs en chair et en os, il a préféré se lancer dans un film d’animation, en en confiant l’univers graphique à son ami Javier Mariscal…

En réunissant ces trois artistes, le projet Chico & Rita réunit aussi plusieurs arts – le dessin, la musique, le cinéma – qu’il entremêle avec beaucoup d’élégance et de finesse.

Chico & Rita - 2

On est déjà charmés par le dessin de Javier Mariscal, par le soin apporté aux détails des décors – des rues de La Havane, baignées de soleil, dans les années 1950, jusqu’aux rues de New York by night, éclairées à la lueur des néons – par les traits des personnages, que l’on dirait tout droit sortis d’une bande-dessinée à l’ancienne… Une impression que renforce l’animation, volontairement lente et rudimentaire pour rappeler le côté figé de la bande-dessinée et pour nous laisser le temps de profiter de la beauté des cadrages, des jeux de couleurs et de lumière, magnifiques…

Puis on se laisse envelopper par la musique, par les airs jazzy envoûtants, susurrés par les voix suaves d’Idania Valdés – qui n’a aucun lien parental avec Bebo, soit dit en passant – ou Estrella Morente, et par les rythmes endiablés, relevés de salsa, joués par les musiciens cubains. On vibre au son des morceaux de Bebo Valdés, de Chano Pozzo, de Tito Puente, de Cole Porter et bien d’autres…

Chico & Rita - 9

Enfin, on admire le sens de la mise en scène de Fernando Trueba, qui parvient à mener son récit avec fluidité, sans temps morts, et à nous embarquer dans une histoire d’amours contrariés étalée sur près d’un demi-siècle.

Comme le titre l’indique, ce film relate la rencontre de Chico et de Rita, dans le Cuba d’avant la révolution Castriste, sous la dictature de Batista.
Lui est un pianiste de jazz doué et ambitieux, qui compose ses propres morceaux en rêvant à New-York et à ses clubs célèbres. Elle est chanteuse et aimerait aussi pouvoir tenter sa chance aux Etats-Unis. En attendant, elle traîne dans les bars dans l’espoir de séduire un riche américain.

Chico & Rita - 7

Quand Chico la remarque, elle est d’ailleurs au bras d’un playboy yankee plein aux as, et lui-même sort avec des touristes tout droit venues du pays de l’Oncle Sam. Leurs regards se croisent et c’est le coup de foudre instantané. Pourtant, elle le snobe. Il s’accroche et finit par la séduire avec quelques notes de piano… Elle s’attache, puis se détache illico quand débarque, furieuse, la fiancée officielle de Chico… Quand on parle de tempérament latin…
Ce n’est que le premier couac d’une relation amoureuse tumultueuse. Une passion véritable mais perpétuellement contrariée par des problèmes de jalousie, d’égos meurtris et de malentendus…
Après leur première rupture, ils participeront ensemble à un concours qui leur ouvrira les portes des night-clubs new-yorkais mais à peine réunis, leurs chemins seront amenés à diverger de nouveau. Portée par un producteur ambitieux – et amoureux d’elle – Rita verra sa carrière prendre une autre dimension, notamment sur grand écran, et Chico retournera à Cuba vivoter de sa musique…
L’amour qui unit Chico et Rita est-il impossible? Ou bien leurs routes finiront-elles par se rejoindre un jour, afin de les mener, côte-à-côte, vers un même destin?
La réponse se trouve au terme de cette belle histoire et ses nombreuses vicissitudes.

Chico & Rita - 10

Le film en tout cas, est semblable à cet amour. Il est fait d’emballements et de ruptures de ton, de moments de grâce et de coups d’arrêt. Les couleurs chaudes et les lumières solaires traduisent l’embrasement des coeurs des personnages, les ambiances nocturnes, elles, obscurcissent leurs horizons amoureux. Même contraste au niveau musical, où les rythmes endiablés des musiques cubaines, pleines de fougue et de passion, côtoient des mélodies jazzy plus mélancoliques.
Les auteurs jouent sur les oppositions et les séparations pour mieux magnifier l’harmonie de la fusion, des retrouvailles…
C’est un film plein de vie et plein d’allant, plein de charme et de sensualité…

Fernando Trueba et Javier Mariscal signent une oeuvre possédant l’efficacité des comédies romantiques américaines, sans le côté sucré, un peu écoeurant, qui affecte habituellement ces dernières, et avec un petit supplément d’âme  européen, ce petit quelque chose qui fait la différence…
Ici, cela correspond à l’évocation, en arrière-plan, de cinquante ans d’histoire cubaine, à un message sur le racisme, la ségrégation et la place accordée aux citoyens noirs et métis dans l’Amérique des années 1950… Il y a également un bel hommage au cinéma de l’âge d’or hollywoodien – notamment via une séquence onirique magistrale citant Un jour à New York – et le plaisir de retrouver, au détour d’une scène, les visages de jazzmen prestigieux tels que Charlie Parker, Dizzie Gillepsie ou Duke Ellington…

Chico & Rita - 5

Vous aurez compris que nous recommandons donc chaudement la compagnie de Chico & Rita, au moins le temps d’une fabuleuse séance de cinéma qui vous fera voyager de La Havane à Los Angeles, en passant par New York, Paris et Las Vegas, au coeur de l’univers graphique conçu par Mariscal. Cette réussite prouve qu’il y a encore une place pour l’animation classique dans un secteur dominé par les ténors de l’animation en images de synthèse, qu’il y a encore des films d’animation destinés à un public plus mature et qu’il faut encore compter sur Fernando Trueba pour nous procurer de belles émotions cinématographiques…

Chico & Rita - 8

P.S. : Si, vous ne supportez pas l’idée d’être enfermé pendant deux heures dans une salle obscure, ou que par malheur, ce beau film ne passe pas près de chez vous, vous pouvez quand même profiter de l’univers des señores Trueba, Mariscal et Valdés enlisant le roman graphique, paru chez Denoël (et chroniqué par PaKa dans notre Rubrique-à-brac) en écoutant la BO du film, éditée par Sony Music…

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Chico & Rita Chico & Rita
Chico y Rita

Réalisateurs : Fernando Trueba, Javier Mariscal
Avec les voix de : Bebo Valdés, Idania Valdés, Estrella Morente, Freddy Cole, Jimmy Heath
Origine : Espagne, Royaume-Uni
Genre : C’est beau l’amour…
Durée : 1h34
Date de sortie France : 06/07/2011
Note pour ce film : ●●●●●●

contrepoint critique chez : –

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“Killing Bono”de Nick Hamm

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Neil McCormick est la plus grande star mondiale du rock’n roll. Le meilleur des meilleurs, le top of the pops, une légende, une idole. Le leader du plus grand groupe de rock irlandais…
Enfin, presque…
Disons qu’il aurait dû l’être – puisqu’il en rêvait depuis sa plus tendre enfance et était obsédé par cet objectif un peu fou de devenir une icône du rock ou de la pop – et qu’il aurait pu l’être si ses beaux projets n’avaient pas été constamment contrariés par, au choix, les aléas du destin, une poisse tenace ou, plus simplement, des décisions malheureuses, guidées par un égo démesuré et une indécrottable fierté…

Killing Bono - 5

Adolescents, Neil McCormick et son petit frère Ivan étaient camarades de classe aves un certain Paul Hewson, plus connu aujourd’hui sous le pseudonyme de Bono. Ils ont manifesté en même temps le désir de jouer de la musique, ont créé leurs groupes en même temps et auraient même pu jouer ensemble si McCormick n’avait pas été aussi orgueilleux.
Quand “The Hype”(1), le groupe de rock du lycée a passé une annonce pour recruter son chanteur, Paul a immédiatement postulé alors que Neil les a pris de haut, refusant de participer à une entreprise aussi ringarde alors qu’il s’imaginait déjà au sommet des charts britanniques. Il s’est aussi moqué de Paul, raillant son manque de charisme et sa voie aigüe… De quoi faire sourire les fans de Bono…
Puis, quand Paul a tenté de recruter Ivan comme deuxième guitare, Neil a manoeuvré pour empêcher son frère de rejoindre “The Hype” et le garder sous son aile… 
Mauvaise inspiration… Lors de leurs premiers concerts, les deux rivaux se partageaient la scène, mais le groupe de Paul était mieux organisé – doté d’un manager et d’un roadie – et composait ses propres chansons. Tandis que “The Hype”, rapidement rebaptisé “U2” décollait vers les sommets de la gloire, les “Undertakers” (“les Fossoyeurs”, en français) restaient englués six pieds sous terre…
Sympa, Paul, devenu “Bono”, a tendu la main à ses vieux copains et leur a proposé de les aider à signer avec le même label que son groupe. Mais l’orgueilleux Neil a refusé. Il voulait réussir tout seul, et surtout sans l’appui de celui qui était devenu son ennemi juré…  
Mauvaise inspiration, une de plus dans ce qui deviendra une longue liste de mauvais choix de carrière et d’occasions ratées…   

Killing Bono - 6  

Neil McCormick était une sorte de génie de la loose. Il refusait des propositions en or, par pure fierté, mais avait un chic pour dégotter des plans en or qui tournaient au fiasco. Comme par exemple, organiser un concert important le jour de la venue du Pape en Irlande – zéro spectateurs dans la salle – ou s’acoquiner avec un gangster de Dublin pour financer leur vie de bohème londonienne… 
Et il avait une poisse monstrueuse. Quand tout semblait enfin sourire aux deux frères, que leur carrière allait enfin démarrer, il se trouvait toujours un grain de sable pour enrayer leur marche vers la gloire… Le sort s’acharnait sur eux, cruel et ironique…

Car le pire, dans cette histoire, c’est que les deux frangins avaient bel et bien le potentiel pour devenir des stars du rock. Neil avait une belle gueule, Ivan était adroit avec une guitare entre les mains. Ils étaient opiniâtres et travailleurs et leurs chansons, bien dans l’air du temps, avaient les qualités pour devenir des tubes…
Mais quand ça ne veut pas sourire…

Killing Bono - 3

Finalement, les frères McCormick n’ont jamais réussi à percer dans le milieu de la pop et du rock. Ils sont constamment restés dans l’ombre de leurs anciens copains d’école, frustrés et un brin aigris d’avoir raté le coche.
Cependant, ces mésaventures ont permis à Neil McCormick de trouver sa voie : l’écriture.
L’homme est devenu critique musical pour le Daily Telegraph et la BBC. Il est considéré comme l’un des meilleurs chroniqueurs musicaux du Royaume-Uni. Il a rangé sa fierté pour travailler – enfin – avec Bono, The Edge et les autres et rédiger leur biographie “U2 by U2”(2). Et enfin, il a puisé dans ses souvenirs pour écrire avec beaucoup d’autodérision et de sincérité, un récit autobiographique sur ses rêves de jeunesse et sa pathétique tentative de devenir une star du rock (3). Ce bouquin a été repéré par le cinéaste Nick Hamm, qui a aussitôt manifesté l’intention d’en faire un film…
Et voilà que Killing Bono débarque sur les écrans…

Les frères McCormick connaîtront-ils enfin la gloire grâce à cette oeuvre cinématographique qui leur est dédiée?  ?
Pas sûr…
Certes, leur résistible ascension vers les sommets de la pop british est savoureuse, à la fois drôle et touchante. Elle rappelle un peu celle des Commitments, dans le génial film d’Alan Parker, autre belle plongée dans le milieu du rock irlandais…
Et c’est là, justement, que le bât blesse. Difficile de ne pas comparer les deux films. Et difficile, donc, de passer outre les défauts de celui de NIck Hamm.

Killing Bono - 4

Commençons par une mise en scène assez plate, manquant souvent d’inspiration et se contentant de s’appuyer assez mollement sur les morceaux de bravoure proposés par le scénario.
Ajoutons que lesdits morceaux de bravoure prennent parfois quelques libertés avec la réalité, pour être cinématographiquement “acceptables”.  Etait-ce bien nécessaire?

Puis regrettons que les acteurs principaux – Ben Barnes et Robert Sheehan – cabotinent un peu trop par moments. Ceci fait pencher le film vers la caricature grossière alors que le sujet offrait davantage de possibilités, autrement plus fines, satire mordante du milieu du rock anglais des années 1980 ou évocation universelle de tous les rêves de gloire et de richesse qui finissent par se heurter à la dure réalité de la vie…
Enfin, on déplorera que la musique soit paradoxalement un peu laissée pour compte dans le film. Oh bien sûr, on entend quelques bribes des oeuvres de U2, et on assiste aux performances tantôt calamiteuses, tantôt entraînantes, de “Shook up”, le groupe des frères McCormick, mais on reste curieusement sur notre faim…

Killing Bono - 2

Malgré ces petits défauts, il convient d’avouer que le film se laisse voir avec plaisir. Le rythme est assez soutenu pour nous donner envie d’accompagner ces sympathiques perdants dans leur route cahoteuse vers la célébrité.
Et puis, les seconds rôles sont assez savoureux. On apprécie la performance de Martin McCann en clone de Bono, tout en calme et en sérénité, celle de Krysten Ritter en icône punk, celle de Peter Serafinowicz en producteur farfelu ou encore celle de Stanley Townsend en gangster mélomane. Sans oublier celle du regretté Pete Postlethwaite en logeur gay, pour ce qui restera son dernier rôle – hélas.

Si on devait comparer Killing Bono à un concert, ce ne serait pas le show gigantesque d’un groupe de rock mondialement connu dans un stade rempli et chauffé à blanc, plus la première apparition d’un groupe de rocker débutants dans un pub irlandais. Moins glamour, moins percutant, moins inoubliable, peut-être… Et marqué par des fausses notes, assurément… Mais la fougue et la générosité des participants nous font quand même passer un bon moment… Allez patron, une petite pinte de Guiness pour faire passer tout ça, et à la santé des frères McCormick !

(1) : En fait le groupe s’appelait le “Larry Mullen’s Band”, du nom de son fondateur, puis a été renommé “Feedback” avant de devenir “The Hype”, puis “U2”
(2) : “U2 by U2” entretiens et mise en forme de Neil McCormick – éd. Au Diable Vauvert 
(3) : “Killing Bono: I Was Bono’s Doppelganger” de Neil McCormick – éd. MTV (en langue anglaise, pas de traduction française disponible pour le moment)

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Killing Bono Killing Bono
Killing Bono

Réalisateur : Nick Hamm
Avec : Ben Barnes, Robert Sheehan, Martin McCann, Peter Serafinowicz, Stanley Townsend, Pete Postlethwaite
Origine : Royaume-Uni
Genre : rock’n flop 
Durée : 1h54
Date de sortie France : 03/08/2011
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Excessif

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“Kinshasa Symphony” de Martin Baer & Claus Wischmann

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En septembre 2010, les musiciens du Staff Benda Bilili enchantaient les écrans français grâce à la sortie du documentaire que leur ont consacré Renaud Barret et Florent de La Tullaye.
On découvrait le talent de ces musiciens hors du commun, ayant surmonté leurs handicaps physiques et leurs vies de misère pour passer des rues de Kinshasa aux plus grandes scènes internationales…
Un an après, presque jour pour jour, Kinshasa symphony, un nouveau documentaire tourné dans la capitale congolaise, nous montre comment des hommes et des femmes parviennent à oublier pendant un temps leurs conditions de vie difficiles par la pratique de la musique, au sein du seul orchestre symphonique d’Afrique Centrale.

Kinshasa Symphony - 4

L’Orchestre Symphonique Kimbanguiste a été créé il y a quinze ans par Armand Diangienda, petit-fils du fondateur de l’Eglise Kimbanguiste. Il comportait alors une douzaine de membres, tous amateurs de musique classique et n’ayant jamais reçu d’enseignement musical traditionnel.Puis l’orchestre s’est étoffé jusqu’à atteindre aujourd’hui 200 membres, pour la plupart autodidactes et devant bricoler eux-mêmes leurs instruments…
La tentative de créer une telle formation pouvait sembler incongrue et un peu folle dans un pays ayant de sérieux problèmes à régler. En quinze ans, la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) a en effet connu des crises en tout genre : dictatures, tensions politiques et ethniques, coups d’états, tentatives d’invasion et luttes intestines, et pour couronner le tout, un niveau de vie globalement assez pauvre pour l’un des plus grands états d’Afrique Noire…
Mais Armand Diangienda et ses comparses se sont accroché à leur rêve, se sont pleinement investis dans le projet et aujourd’hui, on ne peut que saluer leur réussite, qui constitue un joli symbole.

Kinshasa Symphony - 8

Alors que le pays se déchirait à cause d’une guerre civile particulièrement meurtrière, ces hommes et ces femmes qui ne se connaissaient pas, venaient de communautés ou de groupes sociaux différents, voire opposés, qui ne maîtrisaient pas forcément le solfège ou leur instrument, ont réussi à travailler ensemble, main dans la main, pour réussir à jouer des morceaux de musique de manière harmonieuse et redonner un peu de rêve à un peuple qui en a bien besoin.

Ce documentaire, signé par Martin Baer et Claus Wischmann, rend hommage à ces musiciens amateurs qui après une journée de travail longue et usante, dans des conditions parfois difficiles, après de longs trajets à pied car ils n’ont pas toujours les moyens de prendre les “transports en commun”, trouvent encore de l’énergie pour aller répéter, chaque soir ou presque, avec le reste de l’orchestre…
Les deux cinéastes ne se sont pas embarrassés de voix-off  ou d’effets de mise en scène trop complexes.
Ils ont préféré laisser s’exprimer plusieurs membres du groupe, que l’on suit dans leur vie quotidienne, dans leur recherche de logement ou de travail, leurs galères dans la poussière et le tumulte des rues kinoises. Ils racontent leur histoire personnelle, leur découverte de la musique, leur participation à la vie de l’orchestre et expliquent pourquoi cette activité exigeante en temps et en efforts est importante pour eux.
Leurs témoignages sont émouvants et fascinants, car il s’en dégage une formidable énergie, une foi en un avenir meilleur, gagné à force d’efforts et de sacrifices et fondé sur la force collective et la cohésion.

Kinshasa Symphony - 5

Bien sûr, certains ne vont pas se priver de formuler quelques critiques.
Le risque, quand on se lance dans ce genre de documentaire, c’est de paraître soit trop misérabiliste, soit trop béat d’admiration face aux sujets filmés.
Ici, Martin Baer et Claus Wischmann s’exposent aux critiques sur les deux fronts.
Certains pointeront l’insistance des cinéastes à décrire des conditions de vie miséreuse, pour apitoyer le spectateur occidental. Pour d’autres, au contraire, les personnages filmés, malgré leur niveau de vie des plus modestes, ne font pas forcément partie des classes les plus défavorisées de Kinshasa.
Enfin, certains regretteront que ne soit pas plus développé le lien de l’Orchestre avec l’Eglise Kimbanguiste.

Mais cela n’enlève rien à la force du film, qui reste fidèle à une certaine logique : rendre hommage à des gens qui se battent pour améliorer leur quotidien et donner une autre image, plus positive, de leur pays.
Ces musiciens amateurs ont du choeur – pour chanter “Carmina Burana”, il en faut… – et du coeur, il en faut aussi pour tenter de produire quelque chose de beau et d’harmonieux  dans un pays quasiment en ruines, pour faire triompher la vie plutôt que la mort.

Kinshasa Symphony - 7

La scène emblématique de ce documentaire se déroule  lors du concert donné à Kinshasa, celui que répètent sans relâche les musiciens tout au long du film. L’orchestre est en train de jouer la 9ème symphonie de Beethoven quand l’auditorium est plongé dans le noir, suite à une panne de courant. Quelqu’un allume un groupe électrogène de secours. Alors que la ville est plongée dans l’obscurité,  l’orchestre se remet à jouer…
L’Hymne à la joie qui surgit des ténèbres, un beau symbole pour résumer le film et pour louer une fois encore la volonté de ces hommes et ces femmes qui, par leur musique, apportent un peu d’espoir à une région du monde encore instable…

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Kinshasa Symphony Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony

Réalisateurs : Martin Baer, Claus Wischmann
Avec :  Armand Diangienda et les musiciens de l’Orchestre Symphonique Kimbanguiste
Origine : Allemagne
Genre : La musique adoucit les moeurs
Durée : 1h32
Date de sortie France : 14/09/2011
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Critikat

 

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“La Source des femmes” de Radu Mihaileanu

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L’histoire se passe en Afrique du Nord, dans un petit village isolé, dépourvu de tout confort moderne. Pas d’électricité, pas d’eau courante…  – Oui, c’est plus fréquent qu’on ne le pense dans certaines régions du Monde.
Ce sont les femmes de ce village qui, traditionnellement, vont chercher l’eau à la source, située en haut de la montagne, empruntant pour cela des sentiers escarpés et dangereux, au risque de chuter et de se blesser. Toutes, sans exceptions, quelle que soient leurs capacités physiques, sont tenues de participer à la corvée…
Et que font les hommes, pendant ce temps-là? Rien… Ils les laissent se débrouiller, assumer seules cette tâche physiquement rude. Eux, ils boivent le thé tranquillement, en papotant… Avant, ils travaillaient dans les champs, mais maintenant que les terres sont trop arides pour être cultivées, ils se sont dit qu’ils méritaient bien de rester oisif et de profiter de ce temps libre…

La Source des femmes - 7

Un jour, l’une des femmes, enceinte, chute lourdement en allant chercher de l’eau et fait une fausse couche. Ce n’est pas la première fois qu’un tel drame se produit, mais cela ne semble pas émouvoir outre mesure la gent masculine…  Indignée, révoltée, la belle Leïla (Leïla Bekhti) exhorte ses camarades féminines à se mobiliser pour convaincre les hommes de faire installer l’eau courante au village et, à défaut, d’aller à la source eux-mêmes.
Elles décident d’utiliser leur seul moyen de pression : leur corps. Oui, elles se lancent dans  une “grève de l’amour”. Tant que les hommes ne feront pas venir l’eau au village, ils seront privés de câlins et de sexe !
La décision n’est pas sans provoquer quelques remous dans ce village musulman traditionnaliste, notamment chez les hommes, tentés de répudier collectivement ces épouses qui les humilient de la sorte. Mais les femmes, solidaires, tiennent bon… Elles n’ont pas grand chose à perdre…

La Source des femmes - 2

Après Et maintenant on va où? de Nadine Labaki, voilà un autre très bon film qui traite d’un combat féministe en humour et en chansons, en abordant, en toile de fond, quelques-un des problèmes cruciaux auxquels est confronté aujourd’hui le Monde Arabe.
Le nouveau long-métrage de Radu, La Source des femmes, est une oeuvre militante qui entend bien faire réfléchir et surtout, à faire réagir. Le cinéaste y prône l’égalité des sexes, la nécessité de moderniser les infrastructures des villages isolés, notamment l’accès à l’eau, si importante pour les agriculteurs, si importante pour la vie tout court.
La nécessité, aussi, de garantir l’accès à l’éducation, seul moyen d’ouvrir les esprits et de favoriser le dialogue,…
Il fustige l’islamisme et les interprétations archaïques du Coran, mais en prenant bien soin de ne pas caricaturer la religion musulmane. Les héroïnes du film sont croyantes, elles respectent leur religion. C’est d’ailleurs devant l’Imam du village que Leïla ira s’expliquer de ce mouvement d’humeur des femmes. Elle en profitera pour réclamer plus d’égalité entre hommes et femmes, en s’appuyant  sur le Coran et l’interprétation des Sourates pour justifier sa demande.

La Source des femmes - 6

Certains trouveront sans doute cela trop naïf, trop plein de bons sentiments…
C’est effectivement l’une des caractéristiques du cinéma de Mihaileanu, qui ne possède peut-être pas la virtuosité technique de certains grands noms du cinéma d’auteur, mais qui compense largement par ses qualités de conteur, son talent particulier qui lui permet de réussir à entrelacer message politique humaniste et un grand spectacle mélodramatique sans que cela ne choque.
Ici, il évite intelligemment de tomber dans les pièges de l’émotion facile ou de l’humour de bas étage pour livrer une oeuvre généreuse et humaniste, traitant de sujets contemporains et assez universels. Un  grand film populaire, au sens le plus noble du terme, qui, n’en déplaise aux grincheux avait tout à fait sa place en sélection officielle lors du festival de Cannes 2011. Pour la pertinence de son message, pour le plaisir des yeux, de par la beauté des paysages filmés, un village près de l’Atlas marocain, et surtout pour rendre hommage à la formidable troupe d’actrices qu’a su réunir Radu Mihaileanu, tout en grâce, en beauté, en talent, en caractère : Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Biyouna, Hiam Abbass,… Et pour éviter tout sexisme de notre part, ajoutons que les comédiens sont également très bons, de Saleh Bakri à Madj Mohamed…

La Source des femmes - 3

Oui, on aime La Source des femmes  et on le clame haut et fort. Le nouveau film de Radu Mihaileanu est une oeuvre esthétiquement belle, joliment interprétée, souvent drôle et émouvante et totalement en phase avec des problématiques contemporaines, notamment dans le contexte du “Printemps Arabe” et des grands mouvements populaires qui ont secoué le Monde Arabe ces derniers mois.
Les peuples se sont rebellés, ont manifesté pour plus de démocratie, ont fait chuter des tyrans. Les femmes, notamment les jeunes femmes, ont pleinement participé à ce mouvement, y voyant l’occasion d’aller vers plus de justice, plus d’égalité avec leurs homologues masculins.

La Source des femmes - 5

Mais le chemin s’annonce encore long et difficile. En témoigne la décision du nouveau pouvoir libyen d’instaurer la charria comme pilier de la nouvelle constitution du pays – ce qui renforce, à priori, le pouvoir des hommes et autorise même certaines violences à l’égard du sexe féminin, comme la lapidation… On peut se demander si cela valait bien la peine de faire chuter Mouammar Kadhafi si c’est pour instaurer un nouveau régime tout aussi peu démocratique, tout aussi peu égalitaire et tout aussi peu respectueux des droits de l’Homme (et de la femme, en l’occurrence).
Même inquiétude en Tunisie, où on attend de voir ce que va mettre en place le parti islamiste Ennahda, grand triomphateur des premières vraies élections libres dans ce pays.
Ces mouvements politico-religieux assurent qu’ils sont modernes et ouverts d’esprit. On ne demande qu’à les croire, mais ils vont devoir gérer quelques excités qui sont beaucoup moins tolérants. il n’y a qu’à voir ce qui reste des locaux de “Charlie Hebdo” pour s’en convaincre…
Au passage, nous saluons le courage éditorial de Charb et de ses collaborateurs – leur “une” était sacrément gonflée – et nous soutenons “Charlie Hebdo” victime de cette attaque totalement imbécile qui bafoue la liberté d’expression la plus élémentaire. Voilà, c’est dit!

La Source des femmes - 2

Donc oui, les femmes Arabes ont encore du chemin à accomplir pour être considérée comme égales aux hommes. Alors souhaitons que ce beau film qu’est La Source des femmes soit diffusé le plus amplement possible pour qu’il les inspire, les motive, leur donne de l’espoir, ou bien qu’il réussisse à faire réfléchir quelques hommes sur la condition féminine.
Ce n’est pas grand chose, un film… C’est une simple, une minuscule pierre apportée à l’édifice. Mais on préfère largement les pierres qui servent à bâtir quelque chose que celles qui servent à blesser, à lapider, à tuer…

La Source des femmes - 4

P.S. : Ah, puisqu’on ne va pas se faire que des copains aujourd’hui avec ce texte, autant ajouter une dernière chose. A tous les abrutis qui, pendant le festival de Cannes, ont affirmé que Radu Mihaileanu n’était pas légitime pour parler d’un sujet concernant le Monde Arabo-musulman puisqu’il est européen, nous rappelons quand même que le cinéaste a déjà fait ses preuves en signant le très beau Va, vis et deviens, tourné entre le Soudan et Israël, et qu’avec leur raisonnement imbécile on serait passé à côté d’excellents films, voire de grands classiques du septième art.

Par exemple, quelqu’un a-t-il osé dire à Murnau qu’il n’était pas apte à tourner Tabou, car un allemand ne peut pas comprendre la culture polynésienne ? Ou demandé à Ken Loach de s’abstenir de tourner Land and Freedom parce que le film traite de la guerre civile espagnole et qu’il est britannique? Quelqu’un a-t-il refusé à Sydney Pollack de tourner son adaptation de Out of Africa sous prétexte qu’il n’est ni africain, ni danois?  Et quelqu’un a-t-il fait un procès à Orson Welles quand il adaptait Kafka? Non, on est bien d’accord…

Et si ces exemples ne sont pas assez “prestigieux”, disons alors que Chaplin n’aurait jamais été considéré légitime pour parler du problème de l’Allemagne nazie et qu’un film comme Le Dictateur n’aurait pas vu le jour…
Les artistes voyagent, s’intéressent au monde qui les entoure et livrent leur regard sur les choses. C’est le propre de l’Art, et c’est cela qui est intéressant : le brassage culturel, l’échange de points de vue, la diversité…
Après, on peut aimer ou non une oeuvre pour des raisons esthétiques, techniques, ou par goût personnel, mais c’est un autre débat…   

 

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La Source des femmes La Source des femmes
La Source des femmes

Réalisateur : Radu Mihaileanu
Avec : Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Biyouna, Hiam Abbass,
Sabrina Ouazani, Amal Atrach, Saleh Bakri, Madj Mohamed
Origine : France
Genre : Guerre des sexes, grève du sexe
Durée : 2h04
Date de sortie France : 02/11/2011
Note pour ce film : ●●●●
contrepoint critique chez : Le Point

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“Rock forever” d’Adam Shankman

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Chalut les humains,

Vous écoutez quoi, vous, comme musique? Moi, je suis très rock. Ca vous étonne? Ben vous savez, mon maître est né dans les années 1970 et a été ado dans les années 1980, alors dans ce qu’il écoute parfois avec un brin de nostalgie, il y a des vieux tubes rock et pop de ces années-là, et j’ai ainsi été initié à cette musique-là. Et à vrai dire, j’aime bien.
Bon d’accord, les looks des groupes étaient totalement improbables et tout n’était pas digne d’intérêt musicalement parlant, mais cela avait du charme.

Rock Forever - 5

Ce charme, c’est ce qu’Adam Shankman a essayé de retrouver dans Rock forever, une comédie musicale adaptée d’un succès de Broadway, “Rock of ages” (titre original du film), sans toujours y parvenir.
L’intrigue, très classique, tourne autour de Sherrie (Julianne Hough), une jolie blonde qui a quitté son Oklahoma natal pour tenter de devenir chanteuse à Los Angeles. Naïve, la jeune femme se fait dépouiller dès son arrivée sur le Strip de la cité des anges, mais cela lui permet de faire la connaissance de Drew (Diego Boneta). Lui aussi rêverait de devenir chanteur, mais en attendant, il se contente d’une place de serveur au Bourbon Room, le club le plus rock du coin, lieu mythique qui a vu de nombreux cadors du rock faire leurs premiers pas sur scène.
Ils sympathisent, puis tombent amoureux.
Drew parvient à faire engager Sherrie comme serveuse au Bourbon Room. Ses patrons, Dennis (Alec Baldwin) et son bras droit Lonny (Russell Brand) ne sont pas trop difficiles à convaincre, car ils ont bien d’autres chiens à fouetter. Ils doivent un paquet d’argent au fisc et se retrouvent dans le collimateur de la femme du nouveau maire (Catherine Zeta-Jones), bien décidée à bannir le rock’n roll du Strip.
Seule solution pour éviter la fermeture des lieux, y organiser un concert-évènement qui attirera les foules et remplira les tiroirs-caisse. Ca tombe bien, le groupe Arsenal, révélé au Bourbon Room, veut offrir à ses fans un dernier concert avant que son leader, le charismatique Stacee Jaxx (Tom Cruise) ne se lance dans une carrière solo. Un coup de fil à l’agent de Stacee (Paul Giamatti) et hop, le tour est joué.
Tout irait pour le mieux si l’intrigue ne dérapait à cause de l’avidité dudit agent, de l’arrivée d’une journaliste de Rolling Stone faussement glaciale (Malin Akerman) et d’une suite de quiproquos venant perturber les amours de Drew et Sherrie…
Mais avec un peu de bonne volonté et beaucoup de rock’n roll, tout va s’arranger…

Rock Forever - 3

Les sentiments des personnages passent par des hauts et des bas, leur moral également. Et il en va de même pour le spectateur, constamment balloté entre des scènes réjouissantes, portées par des comédiens inspirés et heureux d’être là, et des séquences plus irritantes, quand le kitch vire au ridicule et que quelques numéros d’acteur tournent au cabotinage éhonté.
On s’amuse des clins d’oeil parodiques aux rock-stars des années 1980, du pastiche des boys band du début des années 1990 – tenues ridicules et noms imprononçables. On aime voir Paul Giamatti en pourri gluant, veule à souhait. On aime la folie de Russel Brand, la perruque filasse d’Alec Baldwin, le côté coincé/pervers de Bryan Cranston.
On aime les costumes délirants portés par les acteurs : costumes moulants en cuir, tenues imitation léopard et manteaux de vison, chapeaux de cowboy et santiags en lézard.

Rock Forever - 4

On aime aussi – et quand je dis “on”, je pense à mon vieux maître quasi quadragénaire, tout émoustillé par ce casting féminin affriolant – la toujours sexy Catherine Zeta-Jones faire son retour sur les grands écrans français, la décidément très sexy Malin Akerman qui se fait un malin plaisir de justifier la réputation des “femmes à lunettes…”  et la découverte sexy, Julianne Hough (Sh sh shh sherrie bomb!). Plus tout un tas de filles sexy s’adonnant aux joies de la pole-dance dans un club de striptease. Pschiittt, Boustoune, couché maintenant.
On aime encore – et quand je dis “on”, je pense à PaKa, fan de l’acteur – le grand numéro de Tom Cruise en légende du rock, imbibé comme il se doit au bourbon, égocentrique, capricieux et tête à claques, mais aussi charismatique en diable. Pschitt, PaKa, couché maintenant.

Et enfin, on aime – et quand je dis “on”, je pense à moi, qui aime à mettre en avant les vraies stars des films, les animaux – Hey man, le singe de Stacee Jaxx, un macaque très très rock’n roll, qui porte le blouson en cuir à la perfection et aime à canarder tous les abrutis qui essaient de nuire à la réputation de son propriétaire. Oui, c’est lui le vrai héros du film! A défaut de performance féline, on salue la performance du babouin, dont on ne doit la présence à l’écran qu’à un caprice de Tom Cruise exigeant d’avoir à ses côtés un singe rock’n roll.
Hey man! Tu assures grave!

Rock Forever - 2

On aime moins, en revanche, les nombreuses baisses de régime du film, pour le coup un poil trop long et répétitif, qui laissent au spectateur le temps de déceler l’indigence du scénario. On n’aime pas non plus que tous les numéros soient filmés comme des clips des années 1980, de façon criarde et ringarde, donc. Un peu, ça serait très bien passé, mais à la longue ça devient vite insupportable, d’autant que les chansons, toutes issues d’albums rock des eighties, ne sont pas toutes d’égale qualité. Certaines sont toujours aussi entraînantes, comme “Pour some sugar on me” de Def Lepard ou “I wanna rock” des Twisted sisters, d’autres ont bien mal vieilli et irritent les oreilles.
Et puis surtout, on n’aime pas trop le manque d’imagination du cinéaste Adam Shankman qui, comme pour Hairspray, ne cherche pas vraiment à transcender son sujet par la mise en scène. Sa réalisation reste platement illustrative et trop sage pour un film rock’n roll. On préfère, et de loin, le rythme fou de Good morning England de Richard Curtis, sorti il y a trois ans.

Rock Forever - 6

Heureusement, les performances des acteurs  – et de Hey man – prennent le dessus et font oublier, au final, le manque d’ambitions de la mise en scène.
Globalement, on passe donc un bon moment avec ce Rock forever, comédie musicale sympathique qui titille la fibre nostalgique des plus de trente ans bercés au son du rock des années 1980. Inutile de préciser que tous ceux qui sont allergiques à ce type de musique sont invités à passer leur chemin, sous peine de saigner des oreilles.

Bon, faut que je vous laisse, j’ai des vocalises à faire. Avec les matous du quartier, on a formé un groupe et on va reprendre de vieux tubes rock (les Chats sauvages, les Stray cats, the Alley Cats…). MAAAAAAAOOOOOOOOOHhhhhh mmmmMMMMMAAAAAAOOOOOOOOOOOOOH.

Plein de ronrons,

Scaramouche

Scaramouche guitar hero

 

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Rock foreverRock forever
Rock of ages

Réalisateur : Adam Shankman
Avec : Julianne Hough, Tom Cruise, Diego Boneta, Paul Giamatti,Alec Baldwin,  Catherine Zeta-Jones, Malin Akerman
Origine : Etats-Unis
Genre : Rock’n roll is here to stay
Durée : 2h02

Date de sortie France : 11/07/2012
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Télérama
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“Les Saphirs” de Wayne Blair

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Tout commence par un concours de chant dans un bled paumé au fond du bush australien, dans les années 1960.
Trois soeurs, Gail, Julie et Cynthia, sont déterminées à le remporter et à empocher les 10 $ en jeu. Elles ont de loin les plus belles voix et mériteraient de le gagner. Seulement voilà, elles sont aborigènes, et la population blanche, conservatrice et ségrégationniste, refuse de primer des femmes noires.
Frustrant… Mais ceci leur permet de taper dans l’oeil du musicien chargé d’animer cette parodie de concours. Le bonhomme, un irlandais prénommé Dave a tout du looser bon à rien, mais il possède des goûts musicaux très sûrs et un flair du tonnerre pour repérer les jeunes talents.
Il propose aux jeunes femmes de devenir leur manager et de veiller sur leur nouvelle carrière de chanteuses.

Les Saphirs - 3

Pour commencer, il les oblige à changer leur répertoire. La musique country, c’est gentil, mais un peu has been. Ce qui fait fureur à cette époque, c’est la soul. Alors les trois soeurs sont priées de s’inspirer des artistes qui marchent, comme Diana Ross et Les Supremes, Gladys Knight & the Pips ou Linda Lyndell, d’adopter un look plus glamour et de puiser au fond de leur âme les émotions à communiquer à leur chant.
C’est ainsi qu’elles pourront avoir une chance de rencontrer le succès. Et si l’Australie ne veut pas d’elles, peu importe! Il y a bien un endroit au monde où des gens seront ravis de les écouter chanter : le Vietnam. Bon OK, à cette époque, la zone est un peu dangereuse, puisque soldats américains et guerriers vietcongs s’y entretuent. Mais le travail est bien payé, car l’armée américaine a du mal à trouver des groupes prêts à jouer là-bas pour remonter le moral des troupes envoyées au casse-pipe, et les filles ont besoin de cet argent pour faire vivre leur famille dans le bush australien.
Rejointes par Kay, leur cousine de Melbourne, qui, enfant, a été enlevée et placée dans une famille blanche, elles reforment leur quatuor d’enfance et, encadrées par Dave, partent pour conquérir les coeurs des soldats américains au cours d’une longue et périlleuse tournée dans le delta du Mékong…

Les Saphirs - 4

Présenté hors compétition lors du dernier festival de Cannes, Les Saphirs est un efficace “feel good movie”, qui brasse avec plus ou moins de bonheur différents genre – film musical, comédie dramatique, film de guerre, film d’aventures, romance… – et différents sujets – guerre du Vietnam, ségrégation raciale, lutte pour les droits civiques des noirs américains, scandale des enfants volés aux aborigènes australiens…
Malgré le contexte, très pesant et sombre, dans lequel se déroule le récit, le cinéaste aborigène Wayne Blair réussit à conserver une certaine légèreté de ton et un rythme de comédie qui font de ce film un spectacle entraînant, à l’énergie communicative.

On s’attache très vite à ces quatre filles en route vers le succès, à la force de leur voix et de beaucoup de courage, d’autant qu’elles sont incarnées par un quatuor d’actrices épatantes :  Deborah Mailman, Jessica Mauboy, Shari Sebbens et Miranda Tapsell. Mignonnes, charismatiques, dotées d’un tempérament de feu et d’une sensibilité à fleur de peau, elles illuminent le film.
A leurs côtés, Chris O’Dowd campe un irlandais fantasque, à la fois irritant et sympathique. Il confirme un goût certain pour les films musicaux (Good Morning England)  et les “films de filles” (Mes meilleures amies, la série Girls).

Les Saphirs - 2

Les joutes verbales, engueulades et embrassades de tout ce petit monde rythment agréablement le film. On ne s’ennuie pas une seule seconde et on apprécie le spectacle proposé, des dialogues étincelants aux scènes mélodramatiques, émouvantes sans en faire des tonnes.
Le revers de la médaille, c’est qu’en se focalisant trop sur ces personnages et leur ascension vers la gloire, le cinéaste ne fait qu’effleurer l’aspect politique de son scénario. Oh bien sûr, l’essentiel est préservé. On comprend bien que le cinéaste cherche à mettre en avant le combat des “minorités” noires et aborigènes pour s’émanciper et bénéficier des mêmes droits que les blancs, aux Etats-Unis ou en Australie, à une époque où le monde évolue, où les mentalités changent et où les questions identitaires prennent de l’importance.
Mais finalement, aucun des sous-textes de l’oeuvre n’est pleinement exploité, à l’exception, peut-être, de la question des “générations volées”, toujours sensible en Australie. Et encore… Le sujet a été abordé avec plus de force dans des films comme Le Chemin de la liberté de Philip Noyce ou le méconnu Radiance de Rachel Perkins, qui ont en commun la présence de… Deborah Mailman, l’actrice qui incarne Gail, le leader des Saphirs.

Les Saphirs - 6

La partie vietnamienne semble également un peu trop rapide et trop “gentille”. Il y a bien quelques escarmouches meurtrières, et le cinéaste fait sensiblement monter la tension autour de ses héroïnes, à mesure qu’elles pénètrent en zone de guerre, mais l’ensemble ne fait qu’effleurer la réalité du bourbier vietnamien. Dommage…
On peut aussi regretter que Wayne Blair ne cherche pas à mieux utiliser ce contexte. La guerre du Vietnam aurait dû servir de point d’orgue au combat des personnages pour leur émancipation. Elle est en effet emblématique des profondes mutations géopolitiques de la planète après la seconde guerre mondiale :  décolonisation, bouleversement des rapports de forces idéologiques et militaires, fin de la supériorité de l’homme blanc…
Elle semble n’être ici qu’une péripétie parmi tant d’autres pour les personnages.

Les Saphirs - 5

Cela dit, le cinéaste n’avait pas vraiment de raison de modifier un script taillé pour plaire au plus grand nombre. En effet, le film est tiré d’un spectacle musical très populaire en Australie, gros succès sur les planches.
La partie purement musicale du film est d’ailleurs une franche réussite. Les quatre filles chantent (juste et bien) des tubes soul de l’époque (Otis Redding, Aretha Franklin, les Supremes…) et nous donnent une pèche d’enfer, en plus de l’envie de nous trémousser… Et c’est bien là le principal.

Alors tant pis si le sous-texte politique n’est pas mieux mis en valeur, tant pis si le film manque d’ambition, à l’image de sa mise en scène, parfois trop sage. On aime ces Saphirs qui scintillent à la lumière des projecteurs. Et on aime les quatre actrices qui les incarnent, quatre pierres précieuses taillées pour le succès et une belle carrière cinématographique…

 

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Les SaphirsLes Saphirs
The Sapphires

Réalisateur : Wayne Blair
Avec : Deborah Mailman, Jessica Mauboy, Shari Sebbens, Miranda Tapsell, Chris O’Dowd
Origine : Australie
Genre : feel-good movie
Durée : 1h40

Date de sortie France : 08/08/2012
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Studio Ciné-live
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“Le Magasin des suicides” de Patrice Leconte

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C’est un peu morose que l’on sort de ce Magasin des suicides
Vous nous direz sûrement que c’est normal, vu le titre, lugubre, et l’ambiance du film, déprimante.

Le Magasin des suicides - 8

Tirée d’un roman de Jean Teulé (1), l’intrigue se déroule en effet dans une ville grise et froide, victime de la crise économique, de la pollution et d’un rythme de vie trop stressant. Dans ce contexte, de nombreuses personnes préfèrent se donner la mort, avec classe et dignité, si possible. Et pour cela, ils se rendent dans la seule boutique prospère de la ville, le fameux “Magasin des suicides” tenu par la famille Tuvache.
Le père, Mishima (2), mix de Gomez Adams et du vendeur dessiné par Alexis dans “De la joie jusqu’au cou”, est expert pour vanter les mérites du seppuku ou de la pendaison. La mère, Lucrèce, une rouquine opulente, fait mieux l’article pour des articles plus féminins, comme les poisons ou les somnifères, et tient la caisse du magasin. Pendant ce temps, Vincent, le fils aîné, aiguise des lames de rasoir dans la pièce d’à-côté, pour les clients qui voudraient s’ouvrir les veines, et Marilyn, la fille, ressasse ses idées noires.
Bref, une vraie famille de timbrés, esthètes de mort et orfèvres de l’hara qui rit… Mais ce n’est pas cela qui nous rend morose…

Le Magasin des suicides - 3

A vrai dire, ce climat délicieusement morbide, qui évoque un peu l’univers de Tim Burton, n’est pas pour nous déplaire. On s‘amuse du raffinement des suicides vendus par le magasin, satisfait ou remboursé, des mille-et-une façons de mourir vantées en chanson par les commerçants. On admire aussi les traits des personnages, dans le style BD à l’ancienne, nés de la plume de Régis Vidal, et la beauté des décors, agrémentés de quelques petits clins d’oeils (auto)parodiques, comme l’affiche des “Zombrés” sur le cinéma de la ville. On apprécie la bande-originale du film, signée Etienne Perruchon, et les chansons qui donnent au film un côté opérette gothique. Et on peut même trouver un certain charme à l’animation, assez rudimentaire, mais très fluide, et rehaussée par la profondeur de champ du relief.
Mais pourtant, on sort un peu déçus de ce spectacle, avec un arrière-goût d’inachevé…

Le Magasin des suicides - 2

Le problème vient avant tout du récit lui-même. Les personnages sont sympathiques, certes. Et les situations sont amusantes, au début du film. Mais elles deviennent rapidement répétitives et perdent de leur intérêt. C’est à la fois ironique et triste, mais on s’ennuie vite à mourir…
Et ce n’est pas l’évolution de l’intrigue, avec les bouleversements occasionnés par le dernier-né des Tuvache, Alan, un gamin souriant et plein de joie de vivre, au grand désespoir de ses parents, qui va arranger les choses. C’est une tête à claques ce mioche, avec son éternelle bonne humeur, ses sourires, sa politesse outrancière. Il vient nous pourrir la belle ambiance noire et acide mise en place au début avec de sa mièvrerie, son univers coloré kitsch et son happy end neuneu, qui tranche avec la fin imaginée par Jean Teulé dans le roman original.

Le Magasin des suicides - 6

On ne dit pas que c’est mauvais, hein… C’est du joli travail, bien exécuté, visuellement très agréable à regarder. C’est juste décevant par rapport à ce que l’on attendait de cette oeuvre. On aurait aimé davantage d’humour noir, de mauvais esprit et de mauvais goût. On aurait aimé que le cinéaste assume le côté sombre et adulte de sa fable plutôt que de chercher, in fine, à toucher un public familial. Et surtout, on aurait aimé qu’il se lâche un peu plus dans les délires visuels, à l’instar de cette belle scène où Mishima consulte un psychiatre et où le test de Rorschach s’anime à l’écran dans un certain tumulte.
Cela dit, on ne va pas faire la fine bouche. On préfère, et de loin voir Patrice Leconte réaliser Le Magasin des suicides que de le voir gâcher son talent sur une purge commerciale comme Les Bronzés 3. Pour son premier film d’animation, force est de constater qu’il s’en sort honorablement, à défaut de convaincre pleinement. Et on est heureux d’apprendre qu’il va persévérer dans cette voie avec un second film, Music!, que l’on espère toutefois plus audacieux…

(1) : “Le Magasin des suicides” de Jean Teulé – éd. Julliard
(2) : Les noms des personnages font référence à des personnages historiques célèbres. Mishima était un écrivain japonais qui s’est donné la mort en pratiquant le seppuku. Lucrèce Borgia est soupçonnée d’avoir empoisonné plusieurs personnes. Vincent pourrait faire penser à Vincent Price et au Vincent de Tim Burton, mais est en fait un hommage à Vincent Van Gogh, un suicidé célèbre. Marilyn fait référence à Marilyn Monroe, couic, suicidée… Et Alan est nommé ainsi en référence à Alan Turing, pionnier de l’informatique qui s’est suicidé (hé oui) au cyanure.

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Le Magasin des suicidesLe Magasin des suicides
Le Magasin des suicides

Réalisateur : Patrice Leconte
Avec les voix de : Bernard Alane, Isabelle Spade, Kacey Mottet-Klein, Isabelle Giami, Laurent Gendron
Origine : France, Belgique, Canada
Genre : opérette (pas assez) morbide
Durée : 1h25

Date de sortie France : 26/09/2012
Note pour ce film :

“Damsels in distress” de Whit Stillman

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Curieux film que ce Damsels in distress.
On y croise des étudiantes intelligentes mais naïves pour ce qui est des choses de l’amour et des étudiants qui sont tout l’opposé, des neuneus bourreaux des coeurs…
On y apprend que la balle anti-stress est un bon outil pour surmonter une rupture sentimentale, que l’on peut efficacement traiter la dépression au savon parfumé et que l’on peu éviter des tentatives de suicides à l’aide de cours de claquettes…
on y apprend qu’il y avait deux justiciers masqué, Zorro et Xorro (ça se prononce pareil), qui signaient respectivement leur nom à la pointe de leur épée, d’un Z pour l’un, d’un X pour l’autre, mais que ce dernier était l’objet de moqueries parce qu’on le croyait analphabète…
On y découvre les moeurs amoureuses des cathares et on y danse la “sambola”, une nouvelle mode musicale en devenir…
On y voit des jeunes gens rejouer la décadence de l’empire romain et les invasions barbares, sans avoir conscience qu’ils mettent en scène leur propre décadence…
Et, derrière toutes ces choses en apparence futile, derrière cet emballage de comédie loufoque, on y trouve une réflexion sur la normalité et la différence, la fantaisie et le sérieux, sur l’évolution des relations humaines…  Pour un film bien plus subtil et profond qu’il n’y paraît…

Damsels in distress - 2

La trame narrative pourrait être elle de n’importe quelle comédie de campus mâtinée de romance. On y suit la vie d’un groupe de jeunes étudiantes, entre amours compliquées, considérations sur la vie en général, et discussions en tout genre.
Lily (Analeigh Tipton) débarque sur le campus de l’université Seven Oaks, en Nouvelle Angleterre. Elle sympathise immédiatement avec un groupe de filles composé de Heather (Carrie MacLemore), Rose (Megalyn Echikunwoke) et Violet (Greta Gerwig, en état de grâce : aérienne, charmante, drôle et touchante, tout en finesse et en élégance) et s’installe dans le même dortoir. Mais autour d’elle, on lui conseille de s’éloigner de ces filles un peu folles, dont l’attitude et les activités suscitent les sarcasmes des autres étudiants.

Damsels in distress - 3

Il faut dire que Violet, le leader du groupe, peut se montrer agaçante, car elle n’arrête pas de parler de façon péremptoire. Et ses copines sont elles aussi promptes à donner des leçons de morale aux autres étudiants.
Le trio s’estime supérieur au reste du campus, plus mature, plus intelligent (et à juste titre, le plus souvent…). Mais pour autant, elles ne sont pas de ces pestes insupportables qui passent leur temps à dénigrer les autres et à les mépriser. Au contraire, elles entendent mettre leur intelligence et leur maturité au service de leurs camarades en difficulté. Elles s’occupent notamment du Centre de prévention du suicide, un local type “SOS détresse amitié” où les dépressifs peuvent venir manger un donut et confier leurs malheurs aux trois bénévoles, qui ont toujours de bons conseils à prodiguer. Et dès qu’elles estiment que quelqu’un risque de mettre ses jours en danger, hop, elles le prennent en charge et l’inscrivent au programme de prévention du suicide par la pratique des claquettes, un cours de danse thérapeutique dirigé par le remuant “Freak” Astaire (Nick Blaemire) et l’agressive Debbie (Aubrey Plaza).
Elles mènent aussi l’opposition contre les projets du rédacteur en chef de la revue étudiante, en croisade pour la fermeture des confréries du campus, ce qui nuit à leur popularité…

Damsels in distress - 5

Et puis, surtout, les trois filles ont, en matière de vie sentimentale, quelques principes assez atypiques. Elles dédaignent les bellâtres, les séducteurs sexy et les mecs les plus cools au profit de types qui leurs sont inférieurs, des ados au physique ingrat et/ou un peu bas du casque, mais qui ont l’avantage de présenter une plus ou moins grande marge de progression (ça reste à voir…)(1). Par exemple, Frank (Ryan Metcalf), le petit copain de Violet, un abruti complet dont les rares neurones sont anesthésiés par l’alcool, et Thor (Billy Magnussen), un surdoué qui a sauté les classes de maternelle et, du coup, ne connaît pas les couleurs.
Lily, elle, n’a pas vraiment l’intention de suivre leur exemple. Elle est plutôt attiré par les playboys cools, du genre Xavier (Hugo Becker), un beau gosse francophile qui nourrit une obsession pour la Nouvelle Vague et le mode de vie des cathares ou par Charlie (Adam Brody) un golden boy qui travail dans une industrie de pointe. Petit à petit, elle prend ses distances avec le reste du groupe…

Dans le même temps, Violet voit ses théories ébranlées par la découverte de l’infidélité de Frank – même les neuneus ont le droit de tromper leur compagne – et se retrouve à la place de la “demoiselle en détresse”, déprimée. Ou plutôt, non, elle n’est pas “déprimée”. Elle préfère dire qu’elle “part en vrille”… Tout est dans la nuance…

Damsels in distress - 7

Cette trame narrative truffée de poncifs, que Whit Stillman se fait un plaisir de dynamiter à grand coup d’humour loufoque et de dialogues pleins d’esprit et de finesse, sert surtout à opposer deux conceptions du monde, et deux caractères, celui de la terre-à-terre Lily et celui de la rêveuse Violet.
La première veut être quelqu’un de “normal”, rentrer dans le rang et se fondre dans la masse pour s’intégrer au reste de la société. Elle ne cherche pas à améliorer les choses, juste à continuer à faire fonctionner le système, en vivant avec son temps.
La seconde, elle, est une idéaliste, elle espère encore changer le monde, ou au moins préserver, autant que faire ce peut, ce que les sociétés passées avaient de bénéfique. Elle et ses amies semblent appartenir à une autre époque, plus raffinée, où les rapports entre hommes et femmes étaient plus civilisés, où la politesse et la gentillesse étaient encore considérées comme des vertus, où l’esprit primait sur le physique. Une époque qui pourrait correspondre aux années 1930, quand les danses de Fred Astaire et Ginger Rogers ravissaient les yeux des spectateurs sur grand écran… Elles ont conscience de l’imminence du déclin de leur civilisation, qui voit les barbares (les hommes modernes, incultes et sales) prendre le dessus sur les “romains” (les confréries, désignées à Seven Oaks, par des lettres, non pas grecques, mais romaines, et dont les membres, censément instruits et bien éduqués, sont en pleine décadence).

Damsels in distress - 8

Whit Stillman aime à montrer des personnages qui s’opposent et des univers qui se délitent. C’est une constante de son oeuvre, qui prend, de film en film, de plus en plus d’ampleur.
Metropolitan, son premier long-métrage, était une comédie grinçante autour d’un groupe de jeunes appartenant à la “Haute-Bourgeoisie Urbaine” (UHB), dont les manières et le phrasé ressemblent beaucoup à ceux de Violet et ses amies. Des hommes et des femmes plus vraiment en phase avec leur époque et les bouleversements induits tant par la libéralisation des moeurs que celle de l’économie.
Barcelona, son second, plongeait ses personnages, des yuppies américains coincés et frustrés, dans l’ambiance particulière de la cité catalane.
Son troisième, Les Derniers jours du disco, se déroulait au début des années 1980, à la fin du mouvement disco et des night-clubs décadents, comme le Studio 54. Il parlait clairement d’un changement d’époque et de mentalités, une évolution vers un monde plus individualiste et plus puritain.

Damsels in distress
s’inscrit fort logiquement dans cette lignée. Plus léger et moins amer que Les Derniers jours du disco, il baigne malgré tout dans une ambiance un brin nostalgique et mélancolique, que renforce l’emploi d’un grain d’image velouté et lumineux et le recours à une bande-originale aux sonorités d’antan. Stillman évoque une époque révolue pour mieux marquer le contraste avec l’époque actuelle, symbolisée par les barbares dépourvus de manières, d’esprit et de finesse. Conscient que son film, atypique, ne plaira pas à tout le monde, le cinéaste n’hésite pas à se faire – et nous faire – plaisir avec des séquences musicales dignes des vieux classiques avec Fred Astaire, dont un beau numéro de claquettes en guise de final et l’explication en images de la Sambola pendant le générique de fin. Il ose aussi s’aventurer dans le registre de l’absurde, avec de belles scènes de dialogues surréalistes – l’histoire de Zorro et Xorro – et de situations farfelues – l’histoire d’Emily Twitter (Coquelet)… Mais derrière ces envolées comiques, il y a une mécanique très bien huilée, qui permet de s’attacher aux personnages, à leurs fêlures, à leurs divergences d’opinion sur les choses de la vie et de l’amour.

Damsels in distress - 4

Le cinéaste signe une oeuvre qui évolue sciemment à contre-courant de ce qui se fait en ce moment à Hollywood, tout en respectant les codes du genre et recyclant ses poncifs habituels. Ainsi, il entend résister à l’industrie cinématographique américaine de masse et se démarquer d’une certaine image du cinéma indépendant, trop sérieuse et rébarbative, pour proposer quelque chose de différent, à mi-chemin entre les comédies sophistiquées de George Cukor, les comédies musicales de jadis, les marivaudages intellos de Woody Allen période Annie Hall ou Manhattan et les univers décalés de Wes Anderson.

En ce sens, Whit Stillman ressemble beaucoup à son personnage principal, l’anticonformiste Violet.
La jeune femme sait bien qu’elle ne peut pas aller contre le cours des choses, qu’elle ne pèse pas lourd face à l’évolution de la société, mais elle continue à afficher son optimisme. Et surtout, elle continue à défendre ceux qui ne sont pas dans la norme. Les gens laids, les crétins et les plus faibles ont eux aussi besoin d’un peu de tendresse et de compassion. Et les gens “normaux” ont parfois besoin d’un peu de fantaisie pour égayer leur quotidien.
Oui, on a grand besoin de la loufoquerie de Violet pour échapper à la morosité ambiante. On aimerait qu’elle nous communique un peu de son éternelle joie de vivre, qu’elle nous apporte sa générosité, son altruisme. On voudrait du Fred Astaire, “de la lumière comme en Nouvelle-Angleterre” (2) pour dissiper la grisaille. Et on a bien besoin du talent de Whit Stillman pour trousser des comédies comme celles-ci, véritable petit rayon de soleil.

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Oui, curieux film que ce Damsels in distress. Un film surprenant, dans lequel on peut avoir un peu de mal à rentrer, mais qui s’avère in fine rafraîchissant, stimulant, plein de charme et d’humour, et porté par des acteurs magnifiques, Greta Gerwig en tête.
On ne sait pas si les savonnettes parfumées ont un effet réel sur la dépression, mais il est en revanche avéré qu’une comédie bien ficelée est le meilleur des remèdes contre l’humeur maussade.
Aussi, on espère que ce joli petit film, malgré sa distribution restreinte sur le territoire français, trouvera son public et diffusera un peu de bonheur autour de lui. Et on espère qu’on ne sera pas obligé d’attendre treize années supplémentaires pour découvrir le prochain film de Whit Stillman, cinéaste rare et donc précieux…
(1) : Chère Greta Gerwig. Ô adorable Greta. S’il faut être un looser pour vous faire craquer, gente demoiselle en détresse, alors sachez que je suis le roi des loosers. D’ailleurs, il y a plein de détracteurs de mes chroniques qui se feront un plaisir de vous le confirmer. Alors, à quand un rendez-vous?
(2) : tiré de “Jardin d’hiver”, chanson de Keren Ann & Benjamin Biolay

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Damsels in distressDamsels in distress
Damsels in distress

Réalisateur : Whit Stillman
Avec : Greta Gerwig, Analeigh Tipton, Adam Brody, Ryan Metcalf, Carrie MacLemore, Megalyn Echikunwoke
Origine : Etats-Unis
Genre : comédie sophistiquée
Durée : 1h39

Date de sortie France : 03/10/2012
Note pour ce film :

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